Cour d'appel de Noumea, 26 septembre 2022

Cour d'appel de Noumea, 26 septembre 2022

21/000741

No de minute : 228/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 26 septembre 2022

Chambre civile

Numéro R.G. : No RG 21/00074 - No Portalis DBWF-V-B7F-R2O

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 5 mars 2021 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG no :20/725)

Saisine de la cour : 8 mars 2021

APPELANTS

S.A.R.L. AMENAGEMENT ET ETUDES NUMERIQUES (AEN),

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Siggrid KLEIN de la SELARL SIGGRID KLEIN, avocat au barreau de NOUMEA

S.C.A. ROUGEMONT, représentée par son gérant en exercice, M. [H] [M],

Siège social : [Adresse 10]

Représentée par Me Patrice TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

S.C.A. ROUGEMONT, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 10]

Représentée par Me Gustave TEHIO de la SELARL SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. INSIDE DESIGN, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 5]

Représentée par Me Magali MANUOHALALO, avocat au barreau de NOUMEA

S.E.L.A.R.L. MARY LAURE GASTAUD, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL [Localité 13] ETUDES ET ARCHITECTURE,

Siège social : [Adresse 3]

M. [K] [S]

né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 13],

demeurant [Adresse 11]

Représenté par Me Caroline DEBRUYNE de la SARL D'AVOCAT CAROLINE DEBRUYNE, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. PROM'OCEAN, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Magali MANUOHALALO, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. SYRIUS, représentée par son gérant en exercice,

Siège social : [Adresse 8]

Représentée par Me Maxime Benoit GUERIN-FLEURY de la SARL MAXIME GUERIN-FLEURY, avocat au barreau de NOUMEA

AUTRE INTERVENANT

Mme [L] [V],

née le [Date naissance 6] 1958 à [Localité 12],

demeurant [Adresse 8]

Représentée par Me Maxime Benoit GUERIN-FLEURY de la SARL MAXIME GUERIN-FLEURY, avocat au barreau de NOUMEA

Mme [E] [Y]

née le [Date naissance 7] 1958 à [Localité 13],

demeurant [Adresse 9]

Représentée par Me Valérie ROBERTSON, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 août 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Selon contrat de gestion de projet en date du 12 août 2008, la SCI Rougemont, qui avait projeté d'édifier un ensemble immobilier à usage commercial et habitation, sur un terrain situé [Adresse 14] à [Localité 13], a confié aux sociétés Prom'océan et Aménagements et études numériques (A.E.N.) une mission d'assistance technique et de maîtrise d'oeuvre.

La maîtrise d'oeuvre a ultérieurement été confiée à la société [Localité 13] études et architecture en remplacement de la société A.E.N.

Le lot « pose de revêtements de sols et murs » a été confié à la société Inside design tandis que le lot « plomberie/sanitaire/ventilation » a été confié à l'eurl [W].

Les travaux ont été achevés le 30 juillet 2012 et la mairie de [Localité 13] a délivré un certificat de conformité en date du 18 septembre 2012.

Par ordonnance du 12 septembre 2018, le juge des référés de Nouméa, sur l'assignation de la SCA Rougemont qui se plaignait de désordres affectant les douches des appartements et au contradictoire des sociétés [Localité 13] études et architecture, Aménagements et études numériques, Prom'océan, Syrius et Inside design et de M. [S], a désigné M. [G] en qualité d'expert aux fins notamment de déterminer l'origine des désordres et définir les remèdes.

L'expert judiciaire a déposé un rapport daté du 30 janvier 2019.

Affirmant que les travaux de reprise entrepris avaient révélé des désordres qui n'avaient pas été pris en compte par l'expert judiciaire, la SCA Rougemont a, par assignations délivrées les 4 et 7 décembre 2020, saisi le juge des référés de Nouméa d'une demande d'expertise complémentaire.

M. [S], assigné le 7 décembre 2020, a sollicité sa mise hors de cause au motif qu'il n'était jamais intervenu à titre individuel sur le chantier.

La société A.E.N. s'est opposée à l'expertise sollicitée comme étant inutile.

M. [W] a fait valoir que l'eurl [W] avait été dissoute.

Selon ordonnance réputée contradictoire rendue le 5 mars 2021, le juge des référés de Nouméa a :

- prononcé la mise hors de cause de M. [S] et de M. [W],

- ordonné un complément d'expertise,

- commis M. [G] pour y procéder, laissé les dépens à la charge de la demanderesse.

Selon requête déposée le 8 mars 2021, la société A.E.N. a interjeté appel de cette ordonnance en intimant la SCA Rougemont, M. [W], la société Inside design, la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [Localité 13] études et architecture, M. [S], la société Prom'océan et la société Syrius.

Selon requête déposée le 9 avril 2021, la SCA Rougemont a interjeté appel de cette décision en intimant M. [S] et M. [W], ès qualités de liquidateur de l'eurl [W].

La jonction des deux instances a été ordonnée.

Selon assignation délivrée le 1er décembre 2021, la SCA Rougemont a appelé en intervention forcée Mme [V], ès qualités de liquidateur amiable de la société Syrius.

Aux termes de ses conclusions transmises le 15 avril 2022, la société A.E.N. demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

- constater l'absence d'intérêt légitime de la SCA Rougemont à l'organisation d'une mesure d'expertise complémentaire ;

- débouter la société Rougemont de l'ensemble de ses demandes ;

si, par impossible, la cour estimait devoir ordonner un complément d'expertise,

- donner acte à la société A.E.N. de ses expresses protestations et réserves ;

en tout état de cause,

- dire n'y avoir lieu à mettre hors de cause M. [S], ce dernier ayant été partie prenante à l'expertise principale ordonnée par le 12 septembre 2018 ;

- enjoindre à M. [S] d'appeler en la cause son assureur, la Mutuelle des architectes de France ;

- dire n'y avoir lieu à mettre hors de cause Mme [Y] veuve de M. [W], liquidateur de la société [W] ;

- dire n'y avoir lieu à mettre hors de cause Mme [V], liquidateur amiable de la société Syrius ;

- condamner la société Rougemont à payer à la société A.E.N la somme de 200.000 FCFP par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCA Rougemont aux dépens de première instance et d'appel.

Selon conclusions récapitulatives transmises le 18 janvier 2022, la SCA Rougemont demande à la cour de :

- dire son appel recevable et bien fondé ;

- réformer l'ordonnance entreprise, seulement en ce qu'elle a prononcé la mise hors de cause de M. [S] et de M. [W] ;

- dire et juger l'action engagée par la SCA Rougemont à l'encontre de M. [S] recevable ;

- dire et juger l'action engagée par la SCA Rougemont à l'encontre de M. [W] recevable ;

à titre reconventíonnel,

- dire et juger l'action engagée par la SCA Rougemont à l'encontre de Mme [Y], ès qualités d'héritière à la succession de M. [W], recevable et bien fondée ;

- dire et juger l'action engagée par la SCA Rougemont à l'encontre de Mme [V] recevable et bien fondée ;

- dire et juger que l'expertise complémentaire sera établie à leur contradictoire ;

en tout état de cause,

- confirmer l'ordonnance sur le surplus de son dispositif en ce qu'elle a ordonné un complément d'expertise ;

- réserver les dépens.

Dans des conclusions transmises le 28 juin 2022, la société Syrius et Mme [V] prient la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné l'expertise au contradictoire de la société Syrius ;

- mettre hors de cause la société Syrius ;

- déclarer irrecevable l'assignation en intervention forcée signifiée à Mme [V] par la société Rougemont ;

- débouter la société Rougemont de ses demandes ;

- condamner la société Rougemont à régler la somme de 200.000 FCFP à Mme [V] au titre des frais irrépétibles ;

- la condamner aux dépens dont distraction au profit de la sarl Maxime Guérin-Fleury ;

à titre subsidiaire,

- donner acte à Mme [V] de ce qu'elle fait toutes protestations et réserves sur la demande d'expertise.

Suivant conclusions transmises le 8 mai 2022, Mme [Y] veuve [W] demande à la cour de :

- débouter les sociétés Rougemont et Aménagements et études numériques de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la concluante ;

- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

- condamner les sociétés Rougemont et Aménagements et études numériques à verser à Mme [Y] veuve [W] la somme de 350.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, distraits au profit de Me Robertson.

Aux termes de ses conclusions transmises le 4 août 2022, M. [S] prie la cour de :

à titre principal,

- ordonner la confirmation de l'ordonnance entreprise en ce que M. [S] a été mis hors de cause et en ce que la société A.E.N. a été déboutée de sa demande de voir enjoindre M. [S] d'appeler à la cause la Mutuelle des architectes de France sous astreinte ;

- condamner tout succombant à payer à M. [S] la somme de 200.000 FCFP au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens ;

à titre infiniment subsidiaire, si par impossible, il n'était pas fait droit à la mise hors de cause de M. [S] et que la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise était confirmée,

- prendre acte que M. [S] formule les plus expresses protestations et réserves d'usage ;

en tout état de cause,

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions transmises le 15 mai 2021, les sociétés Prom'océan et Inside design demandent à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- constater l'absence d'intérét légitime de la demande de mesure d'expertise complémentaire formée par la société Rougemont ;

- débouter la société Rougemont de l'ensemble de ses demandes ;

à titre subsidiaire, si la cour devait ordonner un complément d'expertise judiciaire,

- donner acte aux sociétés Prom'océan et Inside design de leurs protestations et réserves d'usage ;

en tout état de cause,

- dire n'y avoir lieu à mettre hors de cause M. [S] ;

- dire n' avoir lieu à mettre hors de cause M. [W], liquidateur de la société [W] ;

- condamner la partie succombante à payer à la société Prom'océan et à la société Inside design la somme de 150 000 FCFP chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la partie succombante aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Manuohalalo.

Dans une note déposée le 6 juillet 2022, la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [Localité 13] études et architecture, indique s'en rapporter à la sagesse de la cour.

Sur ce, la cour,

1/ Il convient d'ordonner la jonction des instances RG no 21/74 et 21/390.

2/ La société A.E.N., mais aussi les sociétés Prom'océan et Inside design, appelants incidents, contestent le principe même du complément d'expertise ordonné par le juge des référés.

L'expertise ordonnée le 12 septembre 2018 par le juge des référés a eu pour objet des défauts d'étanchéité des pare-douche et des bacs à douche. M. [G] a imputé ces désordres à des « erreurs de prescription (SPEC et siphons de sol) » et « à l'emploi, de nature de matériaux d'imperméabilité, ou d'évacuation non conformes aux règles d'utilisation ». Il a préconisé les travaux de reprise suivants :

« 1. Dépose des pare douches, des faïences et des carreaux de sol

2. Dépose et mise en place d'un siphon de sol, conforme à la norme NF EN 1253-1 (...)

3. Ragréage des formes de pentes du bac en respectant les pentes minimales réglementaires

4. Mise en oeuvre d'une étanchéité liquide (SEL) comprenant les relevés sur 10 cm, leur protection et les pénétrations dans le siphon de sol

5. Remise en place d'une SPEC sur les murs en privilégiant un débordement de celle-ci au-delà de l'emprise de la cabine

6. Mise en oeuvre des carreaux de sol et faïences, en prévoyant le débordement d'environ 20 cm de l'emprise des pare douche, là où cela se révèle possible

7. Remise en place de pares douches. »

Il résulte du procès-verbal de constat dressé le 13 février 2020 par Me [I], huissier de justice, et d'un compte-rendu établi par la société Freddam, entreprise mandatée pour réaliser les travaux de reprises, que les cloisons et leurs structures métalliques étaient dégradées (rouille, moisissures) et que les chapes étaient anormalement friables.

Le maître de l'ouvrage a un intérêt légitime à ce que les désordres allégués donnent lieu au complément d'expertise sollicité.

3/ L'expertise ordonnée le 12 septembre 2018 l'ayant été au contradictoire de M. [S], il importe que celui-ci soit partie à la nouvelle expertise, étant observé que cette participation ne préfigure pas une responsabilité à titre personnel.

L'ordonnance entreprise sera réformée sur ce point.

Il appartient à M. [S] d'apprécier s'il lui est utile de mettre en cause son assureur, étant observé que la SCA Rougemont peut également prendre cette initiative.

4/ La dissolution amiable et la clôture des opérations de liquidation de l'eurl [W] sont intervenues respectivement les 30 décembre 2019 et 21 février 2020, soit à une époque où le dirigeant savait, selon l'avis de M. [G], que sa responsabilité était susceptible d'être engagée pour avoir posé des siphons de sol inadaptés.

Dès lors que les fautes commises par un liquidateur amiable dans l'exercice de ses fonctions engagent sa responsabilité envers les tiers et que la liquidation de l'eurl [W] pourrait être tenue pour l'expression d'une volonté d'échapper à des poursuites de la SCA Rougemont, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause Mme [Y], son héritière, étant rappelé qu'il appartiendra au juge chargé du fond du litige de rechercher si M. [W] a engagé sa responsabilité.

L'ordonnance entreprise doit être réformée en ce que M. [W] a été mis hors de cause.

5/ Le même constat sera fait en ce qui concerne Mme [V], étant observé que la liquidation amiable et la clôture des opérations sont intervenues alors que le juge des référés était saisie de la demande de complément d'expertise. Mme [V] étant susceptible d'avoir engagé sa responsabilité civile envers la SCA Rougemont, il n'y a pas lieu de la mettre hors de cause à ce stade de la procédure.

Par ces motifs

La cour,

Ordonne la jonction des instances RG no 21/74 et 21/390 ;

Déclare recevable l'intervention forcée de Mme [V] ;

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a prononcé la mise hors de cause MM. [S] et [W] ;

Statuant à nouveau de ces chefs ;

Déclare le complément d'expertise commun et opposable à M. [S] et à Mme [Y], en sa qualité d'héritière de M. [W] ;

Déclare le complément d'expertise commun et opposable à Mme [V] ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société A.E.N. aux dépens d'appel, à l'exception des frais afférents l'intervention forcée de Mme [V] qui seront supportés par celle-ci.

Le greffier, Le président.

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