Cour d'appel de Noumea, 2 juin 2022
Cour d'appel de Noumea, 2 juin 2022
21/000297
No de minute : 41/2022
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 02 Juin 2022
Chambre sociale
Numéro R.G. : No RG 21/00029 - No Portalis DBWF-V-B7F-R5I
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mars 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :17/189)
Saisine de la cour : 23 Avril 2021
APPELANT
S.A.S. SILCAR NOUVELLE-CALEDONIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 6]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES, substitué par Maître LECORDIER, membre de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
Mme [W] [V]
née le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Sophie BRIANT membre de la SELARL SOPHIE BRIANT, vocat au barreau de NOUMEA
S.A.S. KONIAMBO NICKEL SAS (KNS), prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 5]
AUTRE INTERVENANT
CAFAT
Siège social : [Adresse 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Nathalie BRUN, Conseiller, M. Thibaud SOUBEYRAN,Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.
Greffier lors des débats et de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE
ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
La société S.A.S. SILCAR NOUVELLE-CALEDONIE (ci-après dénommée SILCAR NC) sous-traite des opérations de maintenance de la centrale électrique de la SAS KONIAMBO NICKEL (KNS) à Goro.
Mme [W] [V] a été engagée par la société SILCAR NC à compter du 4 février 2013, en qualité de Technicienne de laboratoire, puis en tant que Chimiste à compter du 1er juin 2015. Elle était promue chimiste, AM4 à compter du 1er juin 2015 et sa rémunération mensuelle brute portée à 492.022 XPF.
Le 28 décembre 2016, alors qu'elle quittait son travail vers 19h30, elle était victime d'une agression physique et sexuelle par un individu extérieur au site. Elle déposait plainte le 29 décembre 2016 et le jour même, le Docteur [I] lui délivrait un arrêt de travail jusqu'au 3 février 2017 prolongé jusqu'au 13 août 2017 en raison d'un syndrome anxio-dépressif majeur réactionnel à son agression
Une déclaration d'accident du travail était établie par la société SILCAR NC le 30 décembre 2016.
Selon courrier daté du 6 janvier 2017, la CAFAT informait madame [W] [V] de la prise en charge des faits du 28 décembre 2016, au titre des accidents du travail et dès le 31 janvier 2017, une enquête était effectuée par le service prévention de la CAFAT puis par courrier daté du 6 janvier 2017, la CAFAT lui notifiait que les conséquences de son agression du 28 décembre 2016 étaient prises en charge au titre de la législation professionnelle.
Le 4 juillet 2017, madame [G], Psychologue clinicienne attestait suivre en consultation madame [W] [V] qui souffrait d'un syndrome post traumatique sévère (pièce No67 requérante).
Par courrier en date du 4 juillet 201 7 adressé à la société SILCAR NC et la société KNS, madame [W] [V] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur (pièce no 23 requérante) au motif que les deux sociétés étaient responsables de l'agression et du viol dont elle avait été victime le 28 décembre 2016 pour ne pas avoir pris les moyens permettant de garantir la sécurité du personnel sur le site de Vavouto et ce alors même qu'elles avaient été, à différentes reprises, déjà confrontées si cette situation, des agressions, vols et autres infractions s'étant produites sur le site dans les mois ayant précédé son agression et qu'elle avait alerté Monsieur [H] [M], le 12 octobre 2016, lors d'une réunion relative notamment à l'hygiène à la sécurité et à l'environnement.
Elle estimait qu'elles avaient commis une faute inexcusable à l'origine du grave traumatisme qu'elle subissait rendant impossible la poursuite de son poste.
Par courrier daté du 28 juillet 2017, la société VENTIA lui adressait une proposition d'emploi temporaire en qualité de "Process engineer" à compter du 1 o' septembre 2017 situé à Melbourne (Australie) puis un nouveau contrat permanent en qualité d'ingénieur qu'elle signait le 25 janvier 2018 (pièce No10 SILCAR NC). Madame [W] [V] quittait la Nouvelle-Calédonie le 9 août 2017 pour s'établir en Australie (pièce No 71 requérante).
Par requête du 20 juillet 2017, madame [W] [V] a fait convoquer devant le Tribunal du Travail, la société SILCAR NC et la société KNS aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de la société SILCAR NC et de la société KNS et de requalification de la prise d'acte de rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les indemnisations afférentes
Elle a sollicité par ailleurs, la fixation d'une rente et que soient ordonnées la majoration ainsi que la réparation intégrale de ses préjudices.
Par jugement en date du 23 mars 2021, le tribunal du travail de Nouméa a jugé que les sociétés S.A.S SILCAR NC (SILCAR NC) et S.A.S. KONIAMBO NICKEL (KNS) etaient co-employeurs de Mme [W] [V] et qu'en violant leur obligation de sécurité résultat, elles avaient commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident de travail de la victime. Il a dit pour droit que la rente versée par la CAFAT devait être majorée au maximum et fixé son taux à 57% en rapport avec un capital constitutif de majoration de 43.391.850 F CFP. Il a jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de Mme [V] devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a par suite condamné KNS et SILCAR NC au paiement de plusieurs indemnités afférentes.
Il a par suite condamné la société S.A.S. KONIAMBO NICKEL (KNS) à payer à la C.A.F.A.T la somme de quinze millions quatre cent cinquante-et-un mille sept cent quarante-neuf (15.451.749) francs CFP outre un reliquat de dix millions huit cent vingt-sept mille huit cent quatre (10.827.804) XPF). SILCAR NC a également été condamnée à payer à la C.A.F.A.T la somme d'un million cent huit mille neuf cent soixante-treize (1.108.973) XPF outre un reliquat de sept centsoixante-treize mille cent soixante-quatorze (773.174) XPF, KNS et SILCAR NC étant condamnées solidairement à verser à la CAFAT la somme de quatre millions trois cent cinquante-et-un mille deux cent trente-quatre (4.351 .234) XPF au titre de ses débours tout en reservant débours futurs.
PROCEDURE D'APPEL
Par acte en date du 22 avril 2021, la société SILCAR relevait appel de ce jugement. Dans son mémoire d'appel, elle précisait cantonner son appel « ?en ce qui concerne les condamnations prononcées au profit de la CAFAT »
Madame [V] dans ses conclusions d'appel du 03 mars 2022 demandait quant à elle la confirmation en toutes ses dispositions du premier jugement outre 500 000 XPF au titre de l'article 700 du CPCNC et la condamnation des parties succombant aux dépens.
La CAFAT, par mémoire en date du 11 mars 2022, sollicitait que soit constatée son intervention et renonçait à formuler quelque demande que ce soit conformément à l'avis rendu le 14 octobre 2021 par la cour de cassation.
Elle sollicitait néanmoins que la Cour valide la majoration de rente soit validée ainsi que les cotisations supplémentaires concernant KNS (13 139 777 XPF payable en un trimestre) et 13 139 776 XPF payable en 11 trimestres de 1 108 973 XPF outre un reliquat de 941 073 XPF).
SUR QUOI, LA COUR,
L'appel principal étant cantonné à la contestation des dispositions du jugement relatives au remboursement des débours de la CAFAT par SILCAR NC, seul ce point sera abordé étant observé que la CAFAT sollicite également la confirmation de la majoration de la rente à verser par KNS 13 139 777 XPF payable en un trimestre outre 13 139 776 XPF payable en 11 trimestres de 1 108 973 XPF outre un reliquat de 941 073 XPF.
Mme [V] qui a conclu sollicite quant à elle la confirmation de la décision du tribunal
Sur les sommes sollicitées par la CAFAT
Le tribunal, après avoir fixé le capital constitutif de la majoration de la rente, a condamné les sociétés SILCAR et KNS à payer à la CAFAT, la somme de 7 995 920XPF payable sur 80 trimestres de 99 949 XPF représentant la cotisation supplémentaire.
Se fondant sur les dispositions de l'article 6-1 et suivants de l'ordonnance no92-46 du 12 octobre 1992 portant extension et adaptation en Nouvelle-Calédonie de certaines dispositions de la loi du 05 juillet 1985 tendant à I ‘amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et l'accélération des procédures d'indemnisation, le tribunal a estimé que la CAFAT, organisme tiers payeur, disposait d'un recours subrogatoire sur les prestations versées à son assuré et a condamné la société SILCAR NC à rembourser à la Caisse les sommes exposées au titre des frais médicaux, des indemnités journalières et du capital constitutif de rente KNS et SILCAR NC étant condamnées solidairement à verser à la CAFAT la somme de quatre millions trois cent cinquante-et-un mille deux cent trente-quatre (4.351.234) XPF au titre des débours.
La société SILCAR Nouvelle Calédonie demande l'infirmation de dispositions qui précèdent soutenant que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 n'avaient pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
La CAFAT indique se ranger à l'avis de la cour de cassation rendu en la matière.
Le régime spécifique de réparation des accidents du travail en Nouvelle-Calédonie a été instauré par le Décret du 24 février 1957 dont les dispositions sont d'ordre public et d'application exclusive.
Ainsi, ne sont applicables en l'espèce ni les dispositions du code de la sécurité sociale métropolitain, ni celles des articles 6-1 et suivants de l'ordonnance du 12 octobre 1992 portant extension et adaptation dans les territoires de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie Française des iles Wallis et Futuna, de certaines dispositions de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ni celles de l'article 7 de l'ordonnance du 20 juin 2013 portant actualisation du droit civil applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, qui créent une nouvelle sous-section étendant à la Nouvelle-Calédonie et aux iles Wallis et Futuna les règles relatives aux tiers payeurs de la loi du 5 juillet 1985.
Aux termes du Décret du 24 février 1957, le/la salarié(e) victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficie d'une prise en charge forfaitaire automatique assurée par la CAFAT, dont le financement est assuré par les cotisations des employeurs selon une logique propre à l'assurance. Il/elle bénéficie ainsi d'une prise en charge de ses frais médicaux et d'hospitalisation versés directement au praticien par la CAFAT et d'indemnités journalières, voire le cas échéant d'une rente en vertu des articles 24 et 27 du Décret.
En cas de faute inexcusable de l'employeur, cette rente est majorée, ce qui donne lieu à une cotisation complémentaire à la charge de l'employeur par application de l'article 34 du Décret.
Ce régime spécifique, qui exclut la réparation du préjudice conformément aux règles du droit commun lorsque l'accident n'est pas dû à la faute intentionnelle de l'employeur, ne permet pas à la CAFAT de solliciter auprès de ce dernier dont la faute inexcusable est reconnue le remboursement des dépenses exposées par elle correspondant aux préjudices patrimoniaux temporaires décomposés en dépenses de santé actuelles et pertes de gains professionnels actuels.
ll n'y a pas lieu de réserver les droits de la caisse s'agissant des éventuels frais de santé future.
La CAFAT n'est pas davantage fondée à solliciter la condamnation de l'employeur à lui rembourser les sommes exposées au titre de la rente et de sa majoration, étant rappelé qu'elle applique d'ores et déjà la majoration de cotisation de l'article 34 du Décret, le tribunal et la cour d'appel n'ayant été saisis d'aucun litige relatif au montant de cette majoration.
La décision entreprise sera dès lors infirmée en ce sens que la CAFAT sera déboutée de l'ensemble de ses demandes cocnernat le remboursement de ses débours.
Sur les demandes de Mme [V]
Mme [V] sollicite la confirmation du premier jugement outre 500 000 XPF sur le fondement de l'article 700 du CPC.
Aucune des parties à l'instance ne conteste la décision du tribunal concernant Mme [V] qui sera en conséquence confirmée purement et simplement.
Sur la confirmation de la majoration de la rente à verser par KNS
KNS n'a pas relevé appel du jugement du 23 mars 2021 et n'était pas représentée lors de l'audience de la Cour : la décision de première instance majorant la rente à verser par KNS pour un montant de 13 139 777 XPF payable en un trimestre outre 13 139 776 XPF payable en 11 trimestres de 1 108 973 XPF et un reliquat de 941 073 XPF : il n'appartient pas à la Cour de statuer sur cette demande qui est déjà exécutoire au vu du jugement de première instance.
Sur les frais irrépétibles
L'article 700 du Code de procédure civile dispose que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante a payer àl l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu 'il n'y a pas lieu de cette condamnation.
L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du CPCNC.
Sur les dépens
.
La gratuité de la procédure devant le tribunal du travail de Nouméa (article 880-1 du code de procédure civile) n'implique pas l'absence de dépens au sens de l'article 696 du code de procédure en ce que cette absence aurait en particulier pour conséquence de ne pas permettre à la partie gagnante de voir ses frais de signification des décisions mis à la charge de la partie qui succombe.
En conséquence la CAFAT sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qui concerne le remboursement des débours de la CAFAT et statuant à nouveau,
L'INFIRME en que la société SILCAR NC a été condamné à verser à la CAFAT la somme de quatre millions trois cent cinquante-et-un mille deux cent trente-quatre (4.351.234) XPF au titre des débours.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC.
CONDAMNE la CAFAT aux dépens de l'instance.
Le greffier,Le président.
Vous ne trouvez pas ce que vous cherchez ?
Demander un documentAvertissement : toutes les données présentées sont fournies directement par la DILA via son API et ne font l'objet d'aucun traitement ni d'aucune garantie.