Cour d'appel de Nouméa, 27 mai 2021

Cour d'appel de Nouméa, 27 mai 2021

20/000177

No de minute : 43

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 27 Mai 2021

Chambre sociale

Numéro R.G. : No RG 20/00017 - No Portalis DBWF-V-B7E-Q2H

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :17/93)

Saisine de la cour : 28 Février 2020

APPELANT

M. [I] [Z]

né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1] (97300),

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Myriam LAGUILLON de la SELARL LEXNEA, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.R.L. RECY'VERRE, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Laure CHATAIN de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA

AUTRE INTERVENANT

Organisme CAISSE DE COMPENSATION DES PRESTATIONS FAMILIALES DES ACCIDENTS DE TRAVAIL [Localité 2],

Siège social : [Adresse 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Avril 2021, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

M. Charles TELLIER, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François BILLON.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par par M. Petelo GOGO greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

M. [I] [Z] inscrit depuis le 28 janvier 2015, sous le nom commercial [Personne physico-morale 1], afin d'exercer I'activité le transport routier de personnes, a été rémunéré en qualité de sous traitant par la SARL BENNES SERVICES LOCATION -BSL- à compter de décembre 2015 et par la SARL RECY' VERRE de mars 2015 à avril 2016, les deux sociétés ayant la même gérante, Mme [H].

Le 11 mai 2016, M. [Z] était recruté par la SARL RECY'VERRE par un contrat de travail à durée indéterminée daté du 4 mai 2016, en qualité d'agent de manutention et de chargement, moyennant un salaire mensuel brut de 180 000 F CFP correspondant à un salaire mensuel de 169 heures.

ll était placé en arrêt de travail du 6 août 2016 au 19 août 2016.

Selon un certificat initial de maladie professionnelle daté du 16 août 2016, M. [Z] était arrêté jusqu'au 2 septembre 2016 , pour "des douleurs (au) coude à évocation (de) tendinite depuis janvier 2016 avec 1ère constatation juin".

L'arrêt de travail était renouvelé jusqu'au16 septembre 2016.

La CAFAT reconnaissait la tendinite dont souffrait M.[Z] au coude gauche, en maladie professionnelle le 16 août 2016, par un courrier du 23 août 2016 suite à sa déclaration de maladie professionnelle aux services de la CAFAT.

M. [Z] reprenait son travail le 19 septembre 2016.

ll était de nouveau arrêté à compter du 20 septembre à partir de 13h jusqu'au 10 octobre 2016, avec des soins, par un arrêt de rechute daté du 20 septembre 2016 et prolongé du 11 au 30 octobre 2016 inclus.

La SARL RECY' VERRE lui notifiait le 11 octobre 2016 un avertissement daté du même jour pour les motifs suivants :

- propos diffamatoires et dénigrants tenus le 17 août 2016 à I'encontre de la gérante ;

- attitude agressive et menaçante à son encontre le 18 août 2016 ;

- propos mensongers et diffamatoires afin de nuire à la société ;

- un arrêt de son activité le jour de sa reprise le 19 septembre 2016 à partir de 13h ;

- un comportement agressif, des menaces contre son employeur le 20 septembre 2016 et un abandon de poste à 11h 30 le même jour.

Par courrier daté du 3 novembre 2016 adressé par mail et en recommandé avec accusé de réception, M. [Z] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur lui reprochant les faits suivants :

- le non respect de ses droits sociaux ;

- une activité de faux-patenté dès le mois de février 2015 régularisée à la suite d'une alerte de la direction du travail et de I'emploi, le contraignant à s'inscrire à l'agence pour l'emploi afin qu'il puisse bénéficier de la convention provinciale d'aide à l'emploi du premier salarié, soit la somme de 500 000 F CFP par son embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) sans signature de contrat et sans reprise de l'ancienneté au 1er février et le paiement des 37,5 jours de congés acquis en qualité de faux patenté ;

- une déclaration et une rémunération en qualité de manutentionnaire manuel de charges, alors qu'il était employé à des tâches de conduite de poids-lourds et de cariste correspondant à une qualification de Niveau V 1er échelon et qu'il aurait dû percevoir un salaire mensuel d'un montant de de 251 840 F CFP bruts soit 1 490 F CFP de l'heure et non de 180 000 F CFP, soit une différence mensuelle de 71 840 F CFP depuis le mois de mai 2016, de sorte qu'il lui était dû la somme de 431 040 CFP ;

- le non respect par l'employeur de son obligation de sécurité en ne lui ayant pas octroyé les moyens de protections nécessaires lors de son travail (absence d'équipement de protection, de moyens de levage et d'hygiène) ce qui était à l'origine de sa tendinite au coude en raison de mouvements répétitifs ;

- l'absence de la rémunération de ses heures supplémentaires de sorte que lui était due à ce titre la somme de 153 168 F CFP ;

- I'absence de déclaration et de remise de bulletins de salaire pour son activité pour la société BSL, en qualité de chauffeur poids lourds pendant l'exécution de son contrat de travail ;

- la notification d'un avertissement injustifié le 11 octobre 2016 alors qu'il n'avait pas commis les faits qui lui étaient reprochés, la plainte de l'employeur pour agression ayant été classée sans suite.

Par courrier du 4 novembre 2016, rectifié par une lettre du 7 novembre, adressé en recommandé avec accusé de réception, M. [Z] était convoqué à un entretien préalable organisé le mardi 16 novembre 2016 en vue d'un éventuel licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire.

Le 7 novembre 2016, le docteur [Y] établissait un certificat médical final de maladie professionnelle fixant une reprise de travail le 8 novembre 2016 et une consolidation avec séquelles le 8 novembre 2016.

La SARL RECY' VERRE, par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 17 novembre 2016, adressait un courrier au salarié contestant tous les griefs invoqués dans la prise d'acte par le salarié, faisant valoir notamment que les inspecteurs du travail n'avaient pas constaté ni relevé d'infraction à son encontre et que l'avertissement qu'il lui avait notifié était parfaitement justifié compte tenu de son agressivité envers la gérante l'ayant contrainte le 18 août à requérir la présence de son mari et à appeler la police.

L'employeur indiquait par ailleurs que son emploi de cariste manutentionnaire ne correspondait nullement à la classification qu'il sollicitait en l'absence de responsabilité d'activités diversifées, de la charge de la conception des méthodes et de l'organisation du travail afin de parvenir aux objectifs dans les meilleures conditions de temps et de coût , de fonction d'encadrement.

Selon décision du 2 mai 2017, la CAFAT lui attribuait un taux définitif de 1% et une rente annuelle de 10 806 FCFP en constatant une épicondylite gauche persistante.

Par requête introductive d'instance enregistrée le 3 avril 2017, complétée ultérieurement, M. [Z] a fait convoquer devant le tribunal du travail de Nouméa la SARL RECY' VERRE.

Par jugement du 28 janvier 2020 du tribunal du travail de Nouméa, auquel il convient de se référer pour connaître le détail des demandes et moyens des parties, il a été statué ainsi qu'il suit :

DIT que M. [I] [Z] n'était pas salarié de la société RECYVERRE de février 2015 à avril 2016.

DIT que la prise d'acte de M. [Z] produit les effets d'une démission et que la société RECY'VERRE n'a pas commis de faute inexcusable.

DIT que M.[Z] ne rapporte pas la preuve que les circonstances de la rupture ont été vexatoires.

LE DEBOUTE de toutes ses demandes

DIT n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles;

CONDAMNE M.[Z] aux dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée au greffe le 28 février 2020, M.[Z] a interjeté appel de la décision qui lui avait été notifiée le 29 janvier 2020.

Le mémoire ampliatif d'appel a été enregistré le 17 avril 2020.

Par conclusions récapitulatives déposées le 11 septembre 2020, il fait valoir, pour l'essentiel :

- que les conditions sont réunies pour requalifier le contrat de faux patenté en contrat de travail à compter du mois de mars 2015 ;

- que les manquements de l'employeur quant à l'exécution du contrat de travail sont manifestes tant au titre des rappels de salaire, de la sanction injustifiée du 11 octobre 2016, que son obligation de formation et de maintien de l'employabilité ;

- que la faute de l'employeur aux manquements de la protection de la santé dû au salarié est inexcusable et doit être reconnue ;

- que les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de résultat sont également établis ;

- que le salarié a ainsi justement pris acte de la rupture de son contrat de travail.

En conséquence, M.[Z] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

1/ DÉCLARER recevable l"appel interjeté par M. [I] [Z] contre le jugement no17/00095 ;

2/ INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal du Travail de Nouméa le 28 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

3/ RECONNAITRE l'existence d"un contrat de travail à compter du 1er mars 2015 ;

En conséquence :

Fixer l'ancienneté de M.[Z] au 1er mars 2015 ;

4/ CONDAMNER la société RECY'VERRE à régler à M. [Z] la somme de 1 852 242 F CPP à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

5/ RECONNAITRE le caractère professionnel de la maladie professionnelle déclarée par M. [Z] ;

6/ JUGER que la maladie professionnelle dont est atteint M. [Z] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur ;

7 /DÉCLARER le jugement à intervenir opposable à la CAFAT ;

En conséquence :

8/ ORDONNER la désignation d'un expert ayant pour mission de déterminer les différents chefs de préjudice subis par M. [Z] et définir précisément les contours de sa mission :.

- Rappeler que le médecin expert peut prendre l'initiative de recueillir l"avis de tout spécialiste de son choix pour exécuter sa mission ;

- Détailler les missions du médecin expert conformément à la pièce 51 ;

- Dire que le médecin expert devra de ses constatations et conclusions rédiger un rapport qu'il adressera au greffe de la Cour dans le délai d'un mois a compter de sa désignation ;

- Dire qu'en cas d"empêchement de l'expert, il sera procédé a son remplacement par simple ordonnance rendue par le président de la présente juridiction ;

Mettre à la charge de la CAFAT les frais d"expertise en application de l'article 40 du décret no57-245 du 24 février 1957 ;

9 /ORDONNER la majoration de la rente d'incapacité permanente a son maximum ;

10/ CONDAMNER la société RECY'VERRE à régler à M. [Z] une somme de 1 500 000 F CFP à titre de provision a valoir sur l'indemnisation de ses préjudices ;

11/ DIRE ET JUGER que la société RECY'VERRE a manqué à son obligation de sécurité de résultat.

En conséquence :

Condamner la société RECY'VERRE à régler a M.[Z] la somme de 1 000 000 F CFP à titre de dommage et intérêts ;

12/ FIXER le salaire mensuel de référence de M. [Z] a la somme de 308 707 F CFP ;

13/ JUGER que M. [Z] a réalisé des heures supplémentaires non payées par l'employeur ;

En conséquence :

14/ CONDAMNER la société RECY'VERRE à régler à M.[Z] la somme de 153 188 F CFP à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires, outre 15 318 F CFP au litre des congés payés afférents ;

15/ JUGER que M. [Z] aurait dû bénéficier d"une prime de fin d'année en 2015 et 2016 ;

En conséquence :

CONDAMNER la société RECY'VERRE à régler å M. [Z] la somme de 617 414 F CFP à titre de rappel de salaires sur prime de fin d'année pour les années 2015 et 2016 ;

16/ JUGER que la société RECY'VERRE a manqué à son obligation de formation et de maintien de l'employabilité de M. [Z] ;

En conséquence :

Condamner la société RECY'VERRE à régler à M. [Z] la somme de 100 000 F CFP à titre de dommages et intérêts ;

17 / JUGER que l'avertissement notifié à M. [Z] le 11 octobre 2016 doit être annulé ;

En conséquence :

Condamner la société RECY'VERRE à régler à M. [Z] la somme de 200 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour avertissement injuste ;

18/ CONSTATER que les graves manquements de l'employeur à ses obligations essentielles ont empêché la poursuite des relations contractuelles ;

En conséquence :

PRONONCER la prise de la rupture du contrat de travail de M.[Z] aux torts de l'employeur produisant les effets d"un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER l'employeur a verser au demandeur les sommes visées ci«dessous :

- 1 852 242 F CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 308 707 F CFP à titre d"indemnité compensatrice de préavis,

- 30 870 F CFP au titre des congés payés afférents ;

19/ ORDONNER à l'employeur la rectification et la communication des bulletins de salaires et documents de fin de contrats de M. [Z] conformément aux termes de l'arrêt, et ce, sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

20/ JUGER qu'en application de l'article 1153-1 du code civil, l'ensemble des sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du jugement a intervenir ;

21/ PRONONCER la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

22/ CONDAMNER l'employeur à verser la somme de 420 000 F CFP au demandeur au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu' aux entiers dépens ;

23/ DÉBOUTER la défenderesse de ses demandes reconventionnelles;

24/ CONDAMNER l'employeur aux entiers dépens.

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Par conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 10 novembre 2020, la société RECY'VERRE fait valoir, pour l'essentiel :

- que s'agissant de la formation du contrat, M.[Z] tente de se faire passer pour un faux patenté pour une période antérieure à son embauche par la société RECY'VERRE en affirmant, sans complexe, avoir commencé à travailler pour la société RECY'VERRE à compter du 1er mars 2015 en qualité de chauffeur poids lourd mais via un statut de faux patenté ; qu'il disposait cependant d'une patente depuis plusieurs mois et offrait ses services à plusieurs sociétés au moment où une relation contractuelle s'est engagée le 4 mai 2016, à compter du 11 mai 2016, avec la société RECY'VERRE au sein de laquelle il ne s'agissait plus d'effectuer quelques prestations de transport mais bien d'intégrer la société en qualité de manutentionnaire ; qu'il doit être en conséquence débouté de ses demandes rattachées à une période où il n'était pas encore salarié ;

- que l'avertissement du 11 octobre 2016 est parfaitement justifié ; qu'ainsi, les circonstances de l'agression dont Mme [H] a été victime de la part de son employé sont décrites avec précision dans la main courante qu'elle a déposée ;

- que si la CAFAT, appelée à la cause par M.[Z], a reconnu le caractère professionnel de sa maladie, elle est par contre très évasive sur la responsabilité de la société RECY'VERRE en tant qu'employeur ; que M.[Z] a indiqué avoir des fourmillements depuis début 2016, alors même qu'il n'était pas salarié de la société RECY'VERRE à cette époque mais travailleur indépendant et qu'il occupait depuis juin 2012 le poste de conducteur de poids lourds dont sa pathologie relève ; que si la CAFAT estime que la tendinite de M. [Z] a bien une origine professionnelle, elle n'établit aucun lien de causalité entre l'activité exercée alors qu'il était salarié de RECY'VERRE et cette maladie ;

- que la requalification demandée par M.[Z] tendant à passer d'un salaire mensuel brut de 180 000 F CFP brut prévu à son contrat de travail ?employé qualifié niveau III), à la somme de 308 707 F CFP est totalement infondée, d'autant plus que le niveau V dont il se prévaut n'existe pas dans la catégorie filière employés, ouvriers de commerce ;

- que les conditions d'hygiène et de sécurité qui justifieraient selon M.[Z] sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail, ne sont aucunement établies ; qu'en outre, il a bien bénéficié d'une formation ;

- que les demandes formées par M.[Z] au titre des heures supplémentaires et de la prime de fin d'année devront être rejetées, celui-ci n'étant pas salarié de la société pour les périodes visées.

En conséquence, la société RECY'VERRE demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

CONFIRMER le jugement entrepris ;

En conséquence,

DEBOUTER M. [I] [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

DEBOUTER la CAFAT de ses demandes ;

CONDAMNER M. [I] [Z] à verser à la SARL RECY'VERRE au titre des frais irrépétibles d'appel la somme de 420 .000 F CFP..

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Par conclusions enregistrées au greffe le 24 juin 2020, la Caisse de Compensation des Prestations Familiales, des Accidents du Travail et de Prévoyance des Travailleurs [Localité 2] - CAFAT- , fait valoir, pour l'essentiel :

- que l'enquête de matérialité, réalisée par le service prévention de la Caisse, a établi que la situation de travail qu'occupait M.[Z] au sein de la société présentait, a priori, un risque de TMS ( trouble musculo-squelettique) de type MP 57 B ;

- qu'elle s'en remet à la sagesse de la juridiction pour décider de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société RECY'VERRE et caractériser la responsabilité de l'employeur.

La CAFAT demande toutefois à la cour de statuer dans un sens un peu différent de ce qu'elle écrit dans le corps de ses conclusions car elle lui demande de statuer ainsi qu'il suit :

lnfirmer le jugement rendu par le tribunal du travail le 28 janvier 2020 ;

Dire et juger que la maladie professionnelle de M. [I] [Z] est dû à la faute inexcusable de la société SARL RECY'VERRE ;

Fixer la majoration de rente au maximum, et dire qu'il sera procédé comme le prévoit l'article 34 du décret no57-245 du 24 février 1957 ;

Valider le calcul du capital de majoration de rente ;

Constater que le montant des débours de la CAFAT s'élève à ce jour à la somme de 558 786 F CFP auxquels s'ajoutent 1 576 F CFP d'arrérages de rente déjà échus. soit une somme globale de 560 362 F CFP.

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L'ordonnance de fixation de la date de l'audience a été rendue le 24 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De la formation du contrat de travail et de l'existence d'une relation de travail à compter de mars 2015

Attendu que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité ; qu'il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve ; qu'il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération ; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur s'apprécie selon la nature de la profession exercée ; qu'en conséquence, il appartient à la juridiction de rechercher I'existence du lien de subordination à partir des conditions réelles d'exercice de l'activité ;

Attendu que M.[Z] soutient que s'il a été recruté par la SARL RECY'VERRE selon un contrat de travail à durée indéterminée daté du 4 mai 2016 à compter du 11 mai 2016, en qualité d'agent de manutention et de chargement, moyennant un salaire mensuel brut de 180 000 F CFP correspondant à un salaire mensuel de 169 heures, il était en réalité soumis depuis le mois de mars 2015 au pouvoir de direction de la gérante de la société RECY'VERRE et était de ce fait salarié de cette entreprise depuis cette date, quand bien même sa qualité officielle était celle de patenté ;

Attendu cependant que la cour constate qu'il résulte de l'examen des factures produites par M.[Z] et des conclusions de la société RECY'VERRE non contredites par M.[Z] :

- que 6 factures seulement sont établies au nom de la société RECY'VERRE sur les 48 pièces produites, avant la date du 11 mai 2016, date de l'embauche de M.[Z] par contrat de travail à durée indéterminée,

- que la première facture produite au nom de RECY'VERRE (numéro 20) est datée du 30 juin 2015,

- que la seconde facture produite au nom de RECY'VERRE (numéro 40) date du 1er février 2016 ;

- que ces factures ont été établies au nom de cinq entités distinctes : la société BENNES SERVICES LOCATION -BSL-, la société RECY'VERRE, la société FLASH TRANSPORT, la Société NOUMEA TERRASSEMENT et la société MOANA TRANSPORT;

- que ces factures ont toutes été établies après que M.[Z] ait pris une patente de transporteur en janvier 2015 ;

Attendu qu'ainsi la société RECY'VERRE est conduite à justement relever que M. [Z], qui n'a effectué aucune prestation pour RECY'VERRE entre juin 2015 et février 2016, démontre la preuve de l'absence de lien de subordination en apportant lui-même la preuve qu'il effectuait des prestations auprès d'au moins cinq entités distinctes ayant des activités différentes, qu'il établissait lui-même ses factures, qu'il calculait lui-même ses prestations et qu'il était titulaire d'une patente avant d'être recruté au sein de la société RECY'VERRE à compter du 11 mai 2016 ; qu'ainsi M.[Z] n'est pas fondé à prétendre que la société RECY'VERRE était son unique client, qu'il était sous la dépendance économique totale de cette société et que le lien de subordination démontrait l'existence d'un contrat de travail ; qu'au surplus, la société RECY'VERRE produit, à la demande de M.[Z] qui lui en faisait grief, la copie du livre des entrées et sorties du personnel qui mentionne qu'il a bien été inscrit sur ce registre pour la période du 11 mai 2016 au mois de novembre 2016 ; que M. [Z] ne peut pas plus prétendre, pour les mêmes motifs, qu'à défaut d'être sous la subordination de la société RECY'VERRE, il aurait été sous la subordination de Mme [H] au motif que celle-ci était également la gérante de la société BSL ;

Attendu en conséquence, que c'est par de justes motifs que le premier juge a considéré que M. [I] [Z] n'était pas salarié de la société RECY'VERRE de février 2015 à avril 2016, qu'il ne pouvait donc prétendre au paiement d'heures supplémentaires pour la période d'août 2015 à avril 2016, fait au surplus corroboré par aucun élément objectif, pas plus qu'au paiement de la prime de la fin de l'année 2015 ou à celle de la fin d'année 2016 alors qu'il avait déjà quitté l'entreprise ;

De l'annulation de la sanction du 11 octobre 2016

Attendu que M.[Z] conteste les faits, précédemment détaillés au début du présent arrêt, qui lui ont été reprochés et qui ont conduit son employeur à le sanctionner le 11 octobre 2016 par un avertissement ;

Attendu que s'agissant tout particulièrement du grief tenant à l'attitude agressive et menaçante de M.[Z] à l'égard de Mme [H], gérante de la société RECY'VERRE, il est produit un constat d'huissier établi le jour même, soit le 18 août 2016, ainsi rédigé :

"Certifie avoir fait les constatations suivantes, en présence de M. [M] [R], salarié de la SARL RECYVERRE, et Mme [D] [H], gérante de la SARL RECYVERRE :

A mon arrivée sur les lieux, je suis accueilli par Mme [D] [H], gérante de la SARL RECYVERRE, ainsi déclarée. Elle m'explique que M. [I] [Z], salarié de la SARL RECYVERRE, ainsi désigné, actuellement en arrêt maladie, et ce jusqu'au 2 septembre 2016, est venu de 8h30 a 9h05, sur son lieu de travail et qu'il s`est montré menaçant envers elle. Elle m'índique également que M. [I] [Z], est également venu sur son lieu de travail le mercredi 17 Août 2016.

M. [M] [R], salarié de la SARL RECYVERRE ainsi déclaré, me confirme les dires de Mme [D] [H], quant a la venue de M. [I] [Z], sur son lieu de travail les 17 et 18 Août 2016.

Mme [D] [H] me signale avoir découvert une arme blanche dans le casier de M. [I] [Z] non verrouillé, en voulant ranger son masque qu'il utilise pour le recyclage du verre.

Dans le dock de la SARL RECYVERRE, je constate la présence d'un poignard dans un étui, posé sur une table (Photo no1)" ;

Attendu que ces faits du 17 et 18 août ont été appuyés par le dépôt le 18 août 2016 de deux mains courantes, à 9h52 puis à 10h31, par la gérante, Mme [H], qui informait les services de police que M.[Z], bien qu'en arrêt maladie, l'importunait sur son lieu de travail, se montrant menaçant et agressif ce qui l'avait conduite à appeler la police dès 9h05 et qu'elle envisageait de porter plainte pour harcèlement si de tels faits se reproduisaient ;

Attendu que M.[Z] fait valoir que le poignard qu'il qualifie de couteau lui était nécessaire, à défaut de pouvoir disposer d'un cutter pour couper des cordes dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'en outre, son employeur a ouvert son casier sans son autorisation ;

Attendu que le premier juge a cependant justement relevé que le fait que ce casier lui soit personnel était inopérant, alors que ce casier mis à la disposition par l'employeur était ouvert, servait à entreposer les équipements de protection des salariés et qu'il ne saurait être ainsi reproché à la gérante, pendant I'ARRÊT maladie de son salarié, d'avoir rangé le masque de celui ci dans son casier ce qui l'avait conduite à découvrir le poignard qu'elIe avait remis aux services de police, à leur demande ; qu'en outre, il n'est nullement établi que la gérante avait eu connaissance de l'usage de ce poignard pour des raisons professionnelles contrairement à ce que M.[Z] prétend, ce dernier ne produisant aucun élément objectif en ce sens ;

Attendu en conséquence, que les menaces et le comportement agressif envers la gérante commis les 17 et 18 août justifiaient à eux seuls l'avertissement du 11 octobre 2016, sans qu'il soit utile d'analyser les autres griefs ; que M.[Z] doit ainsi être débouté de sa demande d'annulation de la sanction et de celle tendant à obtenir la somme de 200 000 F CFP de dommages-intérêts pour avertissement abusif ; qu'au surplus, un avertissement, même injustifié, ne saurait être suffisant pour justifier une prise d'acte alors qu'il existe des recours pour le contester ;

Du manquement de l'employeur à son obligation de formation et de maintien de l'employabilité

Attendu que M.[Z] soutient que l'employeur est tenu d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi et demande ainsi que lui soit versée la somme de 100 000 F CFP à titre de dommages et intérêts ;

Attendu cependant que cette demande qui s'appuie, selon les écritures de l'appelant, sur une jurisprudence qui a condamné des employeurs qui n'avaient pas formé des salariés présents dans l'entreprise depuis 24 et 12 ans, ne saurait être applicable en l'espèce s'agissant d'un salarié dont l'ancienneté dans l'entreprise était de six mois et qui n'y avait travaillé en réalité que trois mois compte-tenu de ses arrêts maladie ;

Attendu que M. [Z] sera débouté de cette demande, l'employeur relevant au surplus que son salarié avait bien été formé à l'utilisation du masque P40, ainsi que la facture et la notice fournies en témoignent ;

De la faute inexcusable de l'employeur du fait de ses manquements

Attendu que l'employeur est tenu, à l'égard de ses salariés, d'une obligation de sécurité de résultat et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsqu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, et qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ; qu'il s'ensuit que la simple constatation du manquement à l'obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l'employeur si la victime apporte la preuve qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié et l'absence de mesures de prévention et de protection ;

Attendu que M.[Z] soutient ainsi que la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie le dispense de l'établissement de la preuve du lien de causalité entre sa maladie et son activité professionnelle et qu'il est ainsi parfaitement fondé à engager la responsabilité de son dernier employeur, tout en admettant qu'il convient de déterminer si les manquements de la société RECY'VERRE à son obligation de sécurité et de résultat ont joué un rôle dans le développement de sa maladie et si l'employeur devait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié ; qu'il convient successivement d'analyser, dans l'ordre de leur présentation, au risque parfois de se répéter, les différents griefs formés par l'appelant à l'encontre de son employeur ; que, cependant, que pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constitués des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ;

De l'inscription au tableau des maladies professionnelles de l'épicondylite plus communément désignée sous le terme de tendinite du coude.

Attendu que M.[Z] soutient que l'inscription de cette pathologie reconnue par la CAFAT comme étant celle du salarié, ne permet pas à l'employeur de prétendre qu'il en ignorait les dangers s'agissant d'une mise en garde du monde industriel ;

Attendu cependant que si la CAFAT a reconnu le caractère professionnel de la maladie dont souffre M. [Z] et a pris en charge ses conséquence au titre de la législation des accidents du travail et des maladie professionnelles, pour lui verser une rente au regard d'un taux d'incapacité permanente fixé à 1%, l'enquête de matérialité réalisée par le service prévention de la Caisse a établi que la situation de travail qu'occupait le salarié au sein de la société présentait. a priori, un risque de trouble musculo-squelettique -TMS- de type MP 57B, tout en s'en remettant dans le corps de ses conclusions à la sagesse de la juridiction pour décider de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société RECY'VERRE et caractériser ainsi la responsabilité de l'employeur ;

Attendu que la CAFAT n'a ainsi retenu, lors de son enquête, qu'un simple risque musco-squelettique pour le salarié et n'a aucunement préconisé des recommandations susceptibles de prévenir ce risque ; qu'on ne saurait reprocher à l'employeur d'avoir ignoré, par principe, les dangers pour son salarié qui était nécessairement confronté à des tâches manuelles sans que des aides mécaniques, autres que celles déjà mises en place, ne puissent être envisagées ; que le grief ainsi formé par le salarié n'est pas de nature à traduire une faute inexcusable de l'employeur ;

De l'omission par l'employeur de prendre des mesures propres à assurer la sécurité des travailleurs.

Attendu que M.[Z] fait grief à son employeur de ne pas avoir pris de mesures propres à assurer sa sécurité, alors même que tout employeur contracte à l'égard des salariés une obligation de sécurité qui lui impose, même en l'absence de tout règlement, de prendre certaines mesures de précaution ;

Attendu cependant que le premier juge a justement relevé que l'employeur justifiait que M.[Z] avait à sa disposition une chargeuse, un élévateur pour enlever les bacs de réception de verre qui sont posés sur des rails, ainsi qu'un masque à filtre dont il avait eu une formation pour son utilisation ;

Attendu que le grief ainsi fait à l'employeur n'est pas fondé ;

De l'évaluation des risques par l'employeur.

Attendu que M. [Z] soutient que l'évaluation des risques par l'employeur est un préalable de nature à mettre en place des mesures permettant d'éviter la réalisation du risque, en l'occurrence par la mise à disposition de matériel d'aide au levage, instauration de pause, organisation du travail permettant la diversification des mouvements réalisés, formation gestes et postures, ce qui aurait pu éviter que des gestes répétés se traduisent par le développement d'une maladie professionnelle ;

Attendu cependant, ainsi qu'il vient d'être rappelé, que ce grief n'est pas fondé dès lors que le salarié avait à sa disposition une chargeuse, un élévateur pour enlever les bacs de réception de verre qui sont posés sur des rails, ainsi qu'un masque à filtre dont il avait eu une formation pour son utilisation ;

Attendu que c'est ainsi par de justes motifs que la présente décision entend se réapproprier, que le premier juge a relevé que I'absence de plan d'évaluation des risques sur la sécurité compte tenu de la taille de la structure ne saurait caractériser une manifestation délibérée de ne pas respecter la loi, alors que, par ailleurs, la survenance de la maladie du requérant était étrangère à l'absence de plan de prévention, les manipulations et gestes répétés manuelles à I'origine de sa pathologie ne pouvant être substitués par des moyens techniques ;

De l'absence de mise à disposition d'équipements de protection individuelle (EPI).

Attendu que ce grief brièvement résumé par M.[Z] comme devant le prémunir contre les risques relatifs aux gestes répétés et au levage de charges lourdes, ne permet aucunement de retenir une faute de l'employeur lequel avait bien mis les équipements précédemment décrits à la disposition de son salarié ;

De l'absence d'information et de formation à la sécurité.

Attendu que M.[Z] soutient que l'absence de formations à des gestes et des postures de nature à lui permettre de limiter les risques liés aux ports de charges ou à des gestes répétés, a eu pour effet le développement de sa maladie professionnelle ;

Attendu cependant que l'absence d'information et de formation à la sécurité, alors que le salarié n'était embauché que depuis quelques mois et qu'il n'avait aucunement attiré l'attention de son employeur sur des manquements en matière de d'information et de formation à la sécurité avant sa prise d'acte, n'est pas de nature à caractériser la faute inexcusable de l'employeur de nature à justifier la rupture du contrat de travail par une prise d'acte du salarié ;

De l'absence de visite médicale préalable à l'embauche.

Attendu que M.[Z] fait grief à son employeur de ne pas l'avoir soumis à une visite médicale préalable à son embauche ce qui lui aurait pu permettre notamment d'identifier les risques auxquels il serait soumis et également de déterminer son aptitude à occuper le poste ;

Attendu qu'une tel manquement, pour regrettable qu'il soit, n'est cependant pas de nature à caractériser une faute inexcusable de l'employeur de nature à justifier la rupture du contrat de travail par le salarié ;

Attendu qu'au surplus, si la jurisprudence avait pu admettre qu'un tel manquement causait nécessairement un préjudice au salarié qui devait être indemnisé, la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation a évolué estimant désormais que le salarié qui n'a pas bénéficié d'une visite médicale d'embauche devait justifier du préjudice qui en est résulté pour lui (Cass. Soc., 27 juin 2018, no 17-15438) ;

Attendu qu'en l'espèce, M.[Z] , qui ne justifie pas de la réalité de son préjudice, ne saurait y voir un grief de nature à rendre inexcusable la faute de l'employeur, pas plus que sa prise d'acte ou de toute autre demande indemnitaire s'y rattachant ;

De l'absence de mesures pour limiter l'impact du port de charges lourdes

Attendu que M.[Z] soutient, au visa des dispositions de l'arrêté no2009-4271 du 22 septembre 2009 relatif aux prescriptions minimales de sécurité et de santé concernant la manutention manuelle de charges comportant des risques, notamment dorso-lombaires pour les travailleurs, que la société RECY'VERRE n'a strictement rien fait afin de protéger sa santé face au risque lié au porte charges lourdes ;

Attendu que le premier juge a cependant justement analysé les faits, sans être contredit par l'appelant, en relevant que :

- selon le texte précité, lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques ne peuvent être mise en oeuvre, un travailleur ne peut être admis à porter des charges supérieures à 25 kgs dans des conditions de port répétitif et 30 kgs dans des conditions de port occasionnel et le tonnage par jour admissible pour un homme dans ces conditions ne peut dépasser 3 tonnes/ heure et 12,5 tonnes sur 8 heures de travail,

- qu'en l'espèce, il n'est nullement établi que M.[Z] portait des charges de 25 kgs ou plus et que l'enquêteur de matérialité de la CAFAT a mentionné qu'il traitait 2 tonnes de verre broyé par jour, soit 4 fois moins que ce qui est autorisé ;

Attendu que la cour se réapproprie ces motifs et rappelle que la mise à disposition d'une chargeuse et d'un élévateur pour enlever les bacs de réception de verre posés sur des rails a concouru à limiter l'impact du port des charges lourdes ;

***********

Attendu en conséquence, qu'il y a lieu de dire que la société RECY'VERRE n'a pas commis de manquements à la protection de la santé de M.[Z] de nature à caractériser une faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de la maladie professionnelle du salarié et que la prise d'acte par le salarié de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission ; qu'ainsi, les demandes tendant à obtenir un complément d'indemnisation forfaitaire par le biais d'une majoration de la rente d'incapacité permanente et la réparation intégrale des préjudices subis et non réparés par la majoration par le biais d'une expertise, doivent être rejetées ;

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Des manquements de l'emp|oyeur à son obligation de sécurité de résultat en dehors de toute faute inexcusable de l'employeur.

Attendu qu'outre le fait que l'employeur aurait, selon M.[Z], commis une faute inexcusable lui ayant causé une épicondylite, le salarié expose que la société RECY'VERRE a également manqué, de manière générale, à son obligation de protéger sa santé et sa sécurité qui lui incombait en application des dispositions de l'article Lp. 261-1 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;

Attendu qu'il appartient effectivement à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé physique et mentale des salariés en application des dispositions précitées ; que l'employeur qui considère injustifiée la prise d'acte de la rupture par un salarié qui, victime d'une maladie professionnelle, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, doit démontrer que la survenance de cette maladie est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité de résultat ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la maladie professionnelle dont se plaint M.[Z] a débuté avant la relation contractuelle fixé par la présente décision au 11 mai 2016 ; que l'enquête de matérialité du 16 août 2016 établie par le service de prévention des risques professionnels de la CAFAT mentionne, en présence et selon les indications de M.[Z] et de Mme [H], que celui-ci souffrait du coude gauche depuis le mois de janvier 2016, qu'il avait occupé le poste de conducteur de poids lourd auprès de plusieurs employeurs de juin 2012 à janvier 2015, qu'il avait tenu en tant que travailleur indépendant le poste de manutentionnaire depuis le mois de mai 2014 avant d'être embauché au même poste à compter du 11 mai 2016 ; que cette enquête a également établi que M.[Z] conduisait une petite chargeuse pour cheminer les bouteilles en verre vers le concasseur ; que des moyens de protection (masques) concernant l'inhalation des poussières de verre et des engins de levage et de port des charges étaient mis à la disposition des salariés par l'employeur lequel n'a à aucun moment été mis en demeure tant par la CAFAT lors de son enquête de matérialité que par l'inspection du travail lors du déplacement de M. [G], de remédier à des manquements relatifs à l'obligation de sécurité ; que I'absence de plan d'évaluation des risques sur la sécurité, compte tenu de la taille de la structure, ne saurait caractériser une manifestation délibérée de ne pas respecter la loi comme il a déjà été souligné, tout comme l'absence de formation chez un salarié recruté tout récemment ;

Attendu en conséquence, que M.[Z], faute de caractériser les manquements de son employeur à son obligation de sécurité, doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts formée pour la somme de 1 000 000 F CFP ;

De la requalification de l'emploi et de la rémunération afférente

Attendu que M. [Z] sollicite que son salaire mensuel de référence soit fixé à la somme de 308 707 F CFP sans cependant l'expliciter de manière détaillée ; qu'en première instance, cette demande s'appuyait sur une demande de requalification, le salarié déclarant effectuer des tâches relevant du niveau V échelon 1er de la convention collective du commerce ;

Attendu que le premier juge a justement analysé, par de motifs que la cour adopte, que la demande de requalification au niveau V n'était pas justifiée et que si le travail réalisé par M.[Z] pouvait correspondre au niveau II, 3ème échelon, cette erreur de qualification n'induisant pas de perte de salaire, ce manquement n'est pas suffisamment grave pour justifier la prise d'acte du salarié ;

De l'absence de conditions d'hygiène et de la prise d'acte de la rupture du contrat

Attendu que M.[Z] soutient enfin que l'absence de point d'eau dans l'entreprise, c'est-à-dire de toilettes, d'eau potable ou même d'un lavabo afin de se laver les mains, est un grief qui à lui seul est de nature à justifier la prise d'acte par M.[Z] de la rupture du contrat de travail ;

Attendu qu'il verse aux débats une attestation de la gérante d'un bar voisin de la société RECY'VERRE établissant que M. [Z] venait utiliser les toilettes de son snack car il lui avait indiqué ne pas en disposer au sein de son entreprise ;

Attendu que l'absence de point d'eau et de toilettes ne peut être déduit de cette simple attestation alors même qu'aucun élément de cette nature n'a été mis en exergue tant lors de l'enquête de matérialité de la CAFAT, que lors du déplacement de M. [G], inspecteur du travail ; qu'au surplus, si la jurisprudence rappelle que la prise d'acte du salarié qui entend rompre son contrat de travail du fait des manquements de son employeur ne lui interdit pas de former d'autres griefs que ceux visés dans sa prise d'acte, force est de constater que ce grief tenant à l'absence de toilettes n'avait jamais été invoqué par le salarié avant la procédure judiciaire ; qu'enfin, ce point tenant à l'existence ou non de toilettes a été complété par des écritures de l'employeur et du salarié dans le cadre de notes en délibéré autorisées, qui n'ont cependant pas éclairé suffisamment la Cour pour qu'elle puisse en tirer argument, l'employeur soutenant qu'un point d'eau existait à l'origine et qu'un wc a été immédiatement installé conduisant les salariés pendant un très court laps de temps à utiliser les wc du snack, tandis que le salarié maintient ses écritures initiales ;

Attendu qu'en tout état de cause, ce grief ne saurait être retenu comme un manquement suffisamment grave justifiant la rupture du contrat alors qu'il avait accès à des toilettes à proximité de son travail ;

Attendu que les demandes indemnitaires formées de ce chef doivent être rejetées ;

*****************

Attendu que la prise d'acte est un mode de rupture du contrat par lequel le salarié met un terme à son contrat de travail en se fondant sur des griefs qu'il impute à son employeur ; que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'une démission, dans le cas contraire ;

Attendu en l'espèce, qu'en l'absence de faits suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de la société RECY'VERRE, la prise d'acte en date du 3 novembre 2016 de la rupture de son contrat de travail faite par M.[Z] a produit les effets d'une démission ;

Des demandes de la CAFAT

Attendu que la faute inexcusable de la société RECY'VERRE n'ayant pas été retenue, les demandes de la CAFAT formées à ce titre doivent être rejetées ;

Des frais irrépétibles et des dépens

Attendu que M.[Z] sera condamné à la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

Attendu que la gratuité de la procédure devant le tribunal du travail de Nouméa au sens de l'article 880-1 du code de procédure civile n'implique pas l'absence de dépens au sens de l'article 696 du code de procédure, en ce que cette absence aurait notamment pour conséquence de ne pas permettre à la partie gagnante de voir ses frais de signification des décisions mis à la charge de la partie perdante ; que M.[Z] sera condamné aux dépens de la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt déposé au greffe,

Déclare l'appel recevable ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, et y ajoutant :

Condamne M. [Z] à payer à la SARL RECY'VERRE la somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M.[Z] aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier,Le président.

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