Cour d'appel de Paris, 7 février 2020
Cour d'appel de Paris, 7 février 2020
19/008357
Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d'appel de Paris
Pôle 4 - chambre 1
Arrêt du 07 février 2020
(no /2020, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général :RG 19/00835 - Portalis 35L7-V-B7D-B7CQ4
Décision déférée à la cour : jugement du 28 septembre 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG 16/06023
APPELANTE
Madame L... H...
[...]
[...]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H avocats à la cour, avocat au barreau de Paris, toque : L0056 et par Me Norbert COHEN, avocat au barreau de Paris, toque : E0985, substitué par Me Audrey SCHWAB
INTIMES
Madame X... K... veuve U...
[...]
[...]
Monsieur D... U...
[...]
[...]
Représentés par Me Béatrice IRLANDE, avocat au barreau de Paris, toque : E0100
et par Me Daniel ELBAZ, du barreau de Montpellier, substitué par Me Maxime MANIERE
SCI YELADIM PATRIMOINE
[...]
[...]
Représentée par Me Franck AZOULAY de la SELARL AZOULAY AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : C1713, substitué par Me Clément TESTARD
SARL CABINET N & H IMMOBILIER
nosiret : 423 828 904
[...]
[...]
Représentée par Me Vincent CANU, avocat au barreau de Paris, toque : E0869
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 12 décembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Monique Chaulet, conseillère dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Sonia Dairain
Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition.
***
Mme X... K... veuve U... et M. D... U..., son fils, sont propriétaires des lots 4 et 10 de l'immeuble en copropriété sis [...] .
Mme H... est locataire depuis 1987 de ce bien qui est géré par la SARL Cabinet N&H Immobilier.
Le 10 avril 2014, les consorts U... ont donné mandat non exclusif de vente du bien à la SARL Cabinet N&H Immobilier au prix de 268 000 euros dont 18 000 euros de frais d'agence.
Le 20 mai 2015, Mme H... a présenté une offre d'achat à 255 000 euros par courriel adressé à Mme S... R..., du Cabinet N&H Immobilier qui a répondu, le jour même, qu'elle transmettait cette offre aux propriétaires et lui a indiqué également par courriel, le lendemain, que les propriétaires étaient prêts à accepter une offre à 255 000 euros FAI en lui précisant qu'elle attendait sa réponse.
Le 21 mai 2014, Mme H... indiquait accepter cette offre.
Le 29 mai 2014, les consorts U... écrivaient à l'agence par lettre recommandée avec accusé de réception pour dire qu'ils déclinaient l'offre.
Par acte authentique du 12 février 2016, le bien a été vendu à la SCI Yeladim.
Par actes d'huissier des 6 et 12 avril, Mme H... a fait assigner les consorts U..., la SARL Cabinet N&H Immobilier et la SCI Yeladim devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de résolution de la vente et de condamnation des consorts U... à lui payer les loyers perçus depuis la vente ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral.
Par jugement du 28 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer les sommes de 1000 euros aux consorts U..., 1000 euros à la SARL Cabinet N&H Immobilier et 300 euros à la SCI Yeladim au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme H... a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, elle demande à la cour de :
à titre principal,
. infirmer le jugement,
vu les dispositions de l'article 1217 du nouveau code civil,
. prononcer la résolution de la vente reçue le 12 février 2016 par l'étude notariale [...], des lots 4 et 10 de l'immeuble en copropriété sis [...] ,
. dire que la décision emportera vente de ce même bien à son profit,
. ordonner la publication de la décision à intervenir au 8ème bureau des services de la publicité foncière,
. condamner les consorts U... à lui payer les loyers perçus depuis le mois de novembre 2014 jusqu'en avril 2016 soit la somme de 15 781,60 euros avec intérêts de droit depuis l'assignation de première instance,
. dire que les loyers consignés au compte CARPA de Me Cohen depuis avril 2016 devront lui être restitués, ce jusqu'au transfert effectif de propriété à son profit,
. condamner les consorts U... à lui verser 30 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Subsidiairement,
. condamner la SCI Yeladim à lui payer 120 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice matériel, moral et perte de chance,
à titre infiniment subsidiaire,
. condamner la SARL Cabinet N&H Immobilier à l'indemniser à hauteur de 120 000 euros, différence entre le prix de 255 000 euros et le prix du marché actuel pour un bien identique et à lui payer la somme de 15 781,60 euros avec intérêts de droit depuis l'assignation de première instance correspondant aux loyers indûment payés depuis septembre 2014,
en tout état de cause,
. ordonner la restitution des loyers qu'elle a consignés en compte CARPA depuis 2016,
. condamner solidairement les consorts U... et l'agence Cabinet N&H Immobilier à lui verser 8 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais de sommation interpellative produites au débat dont distraction au profit de Me Patricia Hardouin-SELALRL 2H Avocats.
Dans leurs dernières conclusions, Mme X... K... veuve U... et M. D... U... demandent à la cour de :
. confirmer le jugement du 28 septembre 2018 en toutes ses dispositions,
. constater qu'aucune vente n'est intervenue entre eux et Mme H...,
. débouter Mme H... de ses demandes,
. condamner Mme H... à leur payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, le Cabinet N&H Immobilier demande à la cour de :
. confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
. débouter Mme H... et les consorts U... de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,
. condamner Mme H... ou tout succombant à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,
. condamner Mme H... ou tout succombant aux dépens.
Dans ses dernières conclusions, la S.C.I Yeladim Patrimoine demande à la cour de :
. confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
. débouter Mme H... de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
. condamner Mme H... ou tout succombant à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamner Mme H... aux dépens.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 28 novembre 2019.
SUR CE, LA COUR
-Sur la demande de résolution de la vente intervenue du 12 février 2016
Mme H... soutient que le contrat était définitivement conclu du fait de l'échange des consentements dénoncés à l'agence par ses mandants vendeurs et par elle-même, que l'agence, régulièrement mandatée, avait rendu compte aux propriétaires comme son courriel l'indiquait et lui avait fait connaître l'engagement de ses mandants en connaissance de cause ; elle ajoute que le courrier adressé par les propriétaires le 29 mai 2014 est intervenu huit jours après les échanges de consentement et que Mme U... reconnaît être revenue sur son consentement.
Les consorts U... font valoir que l'offre de Mme H... à 255 000 euros frais d'agence inclus n'est pas produite et que l'on en ignore donc les conditions, que par courrier du 29 mai 2014 ils ont refusé cette proposition et qu'en l'espèce un élément déterminant faisait défaut à savoir l'accord sur le prix, qu'en conséquence aucun accord n'a été conclu et que la vente n'a pu avoir lieu.
Le Cabinet N&H Immobilier fait valoir que les consorts U... ont changé d'avis et qu'il ne peut rien lui être reproché.
Au terme des dispositions de l'article 1583 du code civil, un contrat est formé lorsque les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix.
En l'espèce, le prix de vente du bien immobilier sis [...] fixé par le mandat était de 268 000 euros dont 18 000 euros de frais d'agence soit 250 000 euros hors rémunération du mandataire.
Mme H... a présenté l'offre suivante par courriel adressé à Mme S... R..., du Cabinet N&H Immobilier, le 20 mai 2015 :
« (
) je vous présente une offre d'achat d'un montant de 255 000 EUR. Elle correspond à l'estimation initiale de prix de vente de l'appartement mais fait supporter au vendeur qui vous a donné mandat, la charge de verser la commission d'agence.
Si cette offre est acceptée, je me rapproche de mon notaire pour formaliser une proposition de vente, sous conditions suspensives dont celle de l'obtention du prêt que je m'apprête à demander. (
) ».
S'il résulte clairement du mail de Mme H... du 20 mai 2015 qu'elle a présenté une offre d'achat à un prix global de 255 000 euros, elle précise que ce prix correspond à l'estimation initiale du prix de vente de l'appartement mais fait supporter au vendeur la charge de verser la commission d'agence.
Dès lors que le prix de vente initial du bien fixé par le mandat hors frais d'agence était de 250 000 euros, il en résulte que le montant des frais d'agence restant à la charge du vendeur n'est pas précisé dans l'offre et qu'en conséquence les conditions de la vente ne sont pas clairement fixées par cette offre.
Mme U... a laissé un message sur le répondeur de Mme R..., employée de l'agence immobilière, disant qu'elle pensait qu'ils allaient accepter l'offre soit 237 000 euros net vendeur et, par un échange de courriels du même jour, le mandataire informait Mme H... que les vendeurs étaient prêts à accepter une offre à 255 000 euros frais d'agence inclus..
Dans son courriel du 21 mai 2014 dans lequel Mme H... précise accepter l'offre, elle demande si elle doit annoncer au notaire 237 000 euros et 18 000 euros soit un total de 255 000 euros ou une autre répartition, courriel auquel Mme R... a seulement répondu qu'elle transmettait aux propriétaires et que sa formulation était la bonne.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 mai 2014, les consorts U... informaient Mme R..., en réponse à son courrier du 25 mai 2014, qu'il déclinaient l'offre de 237 000 euros net vendeur faite par Mme H... en faisant valoir que ce courrier ne précisait pas certaines données à savoir que les frais d'agence de 18 000 euros reviennent à l'acheteuse ; ils ajoutaient qu'à partir du moment où le prix de vente est abaissé, un effort de la part de l'agence concernant ses frais aurait pu être consenti et disent vouloir disposer d'un temps de réflexion.
Tant le courriel de Mme R... du 21 mai 2014 indiquant que les propriétaires seraient prêts à accepter une offre à 255 000 euros FAI que le courriel de Mme H... par lequel elle demande si elle doit annoncer au notaire un prix de 237 000 euros et le surplus en frais d'agence ou une autre répartition démontrent que le prix de vente du bien immobilier n'était pas arrêté à cette date.
Ces échanges de mails et le fait que la question de la répartition, dans la somme globale de 255 000 euros, du prix du bien et des frais d'agence, n'était pas réglée démontrent que les échanges entre Mme H... et les consorts U... n'en étaient qu'au stade des pourparlers.
Le courriel adressé au Cabinet N&H Immobilier par M. D... U... le 25 mai 2015 portant le titre "offre acceptée à 255 000 euros", qui ne comporte aucun message à l'exception de la mention d'un récapitulatif joint, n'est en tout état de cause pas de nature à établir l'accord des deux indivisaires sur la chose et sur le prix dont se prévaut Mme H....
De même la réponse de Mme U... à la sommation interpellative du 29 février 2016 relative à la vente à laquelle Mme U... a répondu en indiquant avoir changé d'avis ne suffit pas à établir qu'il y avait accord sur la chose et sur le prix entre les consorts U... et Mme H....
Le fait qu'il s'agissait en l'espèce de pourparlers est corroboré par le courriel de Mme R... à Mme H... le 20 juin 2014 par lequel elle lui demande d'augmenter son offre et auquel Mme H... répond qu'elle va lui téléphoner pour lui préciser sa suggestion d'augmentation de l'offre, et par les courriels du Cabinet N&H Immobilier produits au débat qui démontrent que l'agence était prête à revoir ses honoraires.
En conséquence, Mme H... ne peut pas se prévaloir du caractère parfait de la vente dès lors qu'il ne résulte pas des pièces produites au débat qu'un accord avait été trouvé avec les vendeurs sur le prix du bien et, ainsi que l'a retenu le premier juge, que les consorts U... n'ont jamais formellement accepté la contre-proposition et qu'il n'y a pas eu véritablement d'échange de consentements.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme H... de sa demande en résolution de la vente et de ses demandes subséquentes.
-Sur la demande de Mme H... de dommages-intérêts à l'encontre de la SCI Yeladim
Sur la faute de la SCI Yeladim, Mme H... invoque le fait qu'elle se soit fait passer pour un diagnostiqueur pour visiter le bien.
Les premiers juges ont exactement retenu qu'elle n'établissait pas le lien entre le faute invoquée et la perte de chance d'acquérir le bien et le jugement sera confirmé de ce chef.
-Sur la demande à l'encontre du Cabinet N&H Immobilier
La faute délictuelle reprochée par Mme H... au Cabinet N&H Immobilier au motif qu'il l'a entretenue dans la certitude de réalisation de l'accord en se désintéressant de la situation n'est pas établie en l'espèce, les seuls échanges de courriels produits au débat ne permettant pas de caractériser une faute imputable au mandataire.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
-Sur les frais irrépétibles
Il convient, en équité, de condamner Mme H... à payer la somme de 1500 euros aux consorts U..., 800 euros à la SARL Cabinet N&H Immobilier et 800 euros à la SCI Yeladim au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 28 septembre 2018 en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE Mme H... à payer la somme de 1500 euros aux consorts U..., 800 euros à la SARL Cabinet N&H Immobilier et 800 euros à la SCI Yeladim au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d'appel ;
CONDAMNE Mme H... aux dépens.
Le Greffier, Le Président,
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