Cour d'appel de Nouméa, 3 décembre 2012
Cour d'appel de Nouméa, 3 décembre 2012
11/00561
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 03 Décembre 2012
Chambre Civile
Numéro R. G. :
11/ 00561
Décision déférée à la cour :
rendue le : 26 Septembre 2011
par le : Tribunal de première instance de NOUMEA
Saisine de la cour : 09 Novembre 2011
PARTIES DEVANT LA COUR
APPELANTS
M. Alexandre Camille X...
né le 18 Mai 1969 à NOUMEA (98800)
demeurant ...
Mme Angèle Rose X...
née le 13 Avril 1967 à MUA (WALLIS)
demeurant ...
Tous deux représentés par la SELARL LOUZIER-FAUCHE-CAUCHOIS
INTIMÉS
Mme Raymonde Y...
née le 05 Mai 1923 à NOUMEA (98800)
demeurant ...
représentée par la SELARL de GRESLAN
LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE sis 12 rue Mérano, représenté par son Syndic l'Agence AXONE
15 rue Louis Blériot-Anse Vata-98800 NOUMEA
représenté par la SELARL DESCOMBES & SALANS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2012, en audience publique, devant la cour composée de :
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, président,
Jean-Michel STOLTZ, Conseiller,
Christian MESIERE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Bertrand DAROLLE, Président de Chambre, ayant présenté son rapport.
Greffier lors des débats : Cécile KNOCKAERT
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Bertrand DAROLLE, président, et par Stephan GENTILIN, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Par acte notarié du 23 juillet 1982 Louis X... a fait donation, à titre de partage anticipé, à Henri, Angèle Rose et Alexandre X... d'un terrain bâti situé à Nouméa, vallée des colons, d'une superficie approximative de 9 ares, formant le lot numéro 23 du lotissement Merano.
Par acte notarié du 7 mars 2007, Alexandre et Angèle X..., propriétaires indivis du lot numéro 23 à la suite du décès de Louis X..., ont établi un état descriptif de division et règlement de copropriété concernant un ensemble de maisons individuelles mitoyennes construites sur ce lot, à partager en deux lots distincts, le lot numéro un étant attribué à Alexandre X... et le lot numéro deux à Angèle X... ainsi que les villas y édifiées.
Ceux-ci ont fait établir un constat par acte d'huissier du 19 mars 2003 de l'état des lieux au motif « qu'au mois de novembre 2000, ils se seraient aperçus, en faisant refaire le bornage de leur terrain, que leur voisin à l'EST aurait, dans le passé, construit chez eux un mur de soutènement qui menace de s'écrouler et que le voisin au SUD aurait, dans le passé, déblayé un talus sur leur propriété ».
Par un autre acte d'huissier en date du 3 décembre 2007, ils faisaient constater que le mur de soutènement appartenant selon eux à Raymonde Y..., érigé en surplomb à l'arrière de leur terrain, présentait des fissures.
Par ordonnance en date du 13 août 2008, le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa désignait Michel Z..., géomètre, en qualité d'expert, afin de procéder à l'arpentage et à la délimitation des propriétés contiguës X...- Y...- syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 12 rue Mérano, ainsi qu'au bornage de ces propriétés " si les parties acceptent la délimitation proposée " ; mission était également donnée à l'expert :
- d'« indiquer si le mur édifié sur le lot 24 appartenant à Raymonde Y... et des constructions réalisées sur le lot 25 du syndicat des copropriétaires en cause empiètent sur la propriété des consorts X... et, dans l'affirmative, caractériser ces empiétements et donner son avis sur la prescription trentenaire invoquée par le syndicat » ;
- de « décrire le mur de soutènement de la propriété Y... ; vérifier l'existence des désordres affectant ce mur (....), préconiser les remèdes à apporter (...) ».
L'expert Z... établissait son rapport le 8 juillet 2009.
Il matérialisait des empiétements sur la propriété X... en reportant ses mesures sur un plan annexé à son rapport. Il procédait au bornage de la limite séparative entre les lots appartenant aux consorts X... et à Mme Y....
Il indiquait : « le talus du lot 25, sur lequel a été projeté du béton, empiète sur la propriété X.... Cet empiétement varie de 50 cm à l'ouest, à 1 m 40 au centre, puis à 90 cm à l'Est, la surface de l'occupation est de 26, 82 m ² hachuré en magenta sur le plan. D'après le règlement de copropriété établi le 26 mai 1982 l'immeuble édifié sur le lot 25 appartenait à M. François A..., par suite de l'adjudication qui était prononcée à son profit au terme d'un procès-verbal dressé par Me B... en date du 3 octobre 1946. L'immeuble était donc déjà construit en 1946, vu la position du bâtiment et la topographie du terrain, il n'est pas concevable que le bâtiment ait été construit sans que le terrain soit déblayé et donc sans qu'un talus soit créé entre les lot 23 et 25. Nous pouvons donc affirmer qu'il existe depuis 1946 un talus de déblais entre les lots 23 et 25, toutefois nous ne pourrons pas certifier que sa position actuelle se confond avec celle d'origine. Malgré nos recherches nous n'avons trouvé aucun document nous permettant de définir la position du talus à son origine. Il est donc fort probable que la prescription soit avérée, nous n'avons cependant aucun élément pour l'affirmer ». S'agissant des désordres affectant le mur de soutènement de la propriété Y..., après avis d'un sapiteur, l'expert indiquait que les travaux de démolition et de reconstruction du mur pouvaient être évalués à la somme de 6 172 530 fr. Cfp.
Par requête introductive d'instance enregistrée le 15 février 2010, Alexandre et Angèle X... faisaient convoquer Raymonde Y... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 12 rue Mérano devant le tribunal de première instance de Nouméa en demandant à cette juridiction :
- de condamner Raymonde Y... à leur payer la somme de 6 172 500 fr. Cfp correspondant au coût de démolition et de reconstruction du mur de soutènement ;
- d'enjoindre au syndicat des copropriétaires de faire cesser tout empiètement sur leur lot numéro 23 et de le condamner à prendre en charge les frais de déplacement du talus, et subsidiairement, à régulariser la situation foncière et fixer le prix de rachat de la parcelle à 1 485 000 fr. Cfp ;
- de leur allouer la somme de 200 000 fr. Cfp en application de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie.
Par jugement en date du 26 septembre 2011, auquel il est renvoyé, le tribunal de première instance de Nouméa a :
- visé le rapport d'expertise du 8 juillet 2009 et les articles 2258, 2261, 2264 et 2272 du Code civil ;
- dit et jugé que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 12 rue Mérano est devenu propriétaire par prescription acquisitive trentenaire du talus séparant les lots numéro 23 et 25 du lotissement Mérano, vallée des colons, Nouméa, situé dans la parti sud du lot numéro 23, d'une superficie de 26, 82 m ², tel que décrit par l'expert judiciaire Michel Z... ;
- donné acte au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 12 rue Mérano de ce qu'il fera établir à ses frais un procès-verbal de bornage et de délimitation des lots numéro 23 et numéro 25 tenant compte de cette acquisition par prescription trentenaire ;
- dit que la partie la plus diligente fera procéder à la publication de cette décision à la conservation des hypothèques de Nouméa ;
- débouté Raymonde Y... de sa demande tendant à voir reconnaître sa qualité de propriétaire par prescription acquisitive trentenaire d'un mur en béton d'une longueur de 30 m, situé dans la partie est du lot numéro 23 ;
- dit et jugé que ce mur en béton appartient exclusivement au propriétaire du lot numéro 23 du lotissement Mérano ;
- débouté en conséquence Alexandre et Angèle X... de leur demande tendant à voir condamner Raymonde Y... à supporter les frais de démolition et de reconstruction de ce mur ;
- condamné les consorts X... à payer à Raymonde Y... et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 12 rue Mérano, chacun, une somme de 100 000 fr. Cfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné Alexandre et Angèle X... aux entiers dépens y compris le coût de l'expertise judiciaire.
PROCEDURE D'APPEL
Par requête enregistrée le 9 novembre 2011 au greffe de la cour, Alexandre et Angèle X... ont interjeté appel de ce jugement, non signifié.
Aux termes de leur mémoire ampliatif d'appel du 8 février 2012, ils demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré ;
- de dire qu'il y a un empiètement du lot 24 sur le 23 et du lot 25 sur le lot 23 ;
- de condamner Raymonde Y... à faire cesser tout empiètement et au paiement d'une somme de 6 172 500 fr. Cfp correspondant au coût de démolition et de reconstruction du mur de soutènement ;
- d'enjoindre au syndicat des copropriétaires à faire cesser tout empiètement sur le lot 23 et de le condamner à prendre en charge les frais de travaux de déplacement du talus ;
- de réserver leur demande chiffrée dans l'attente de la production du devis ;
- subsidiairement de condamner le syndicat à régulariser la situation foncière et fixer le prix de rachat de la parcelle 1 485 000 fr. Cfp ;
- de leur allouer la somme de 500 000 fr. Cfp au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leur recours, ils font valoir, pour l'essentiel :
- s'agissant de la prescription acquisitive invoquée par le syndicat, que le tribunal a inversé la charge de la preuve, alors qu'aucun élément ne permet d'établir que le talus d'origine n'a pas été modifié et qu'il s'avère au contraire qu'une rénovation de l'immeuble est intervenue entre 1981 et 1984, ce qui a entraîné un nouveau décaissement du terrain et une modification du talus avec béton projeté créant l'empiètement litigieux ;
- que l'expert judiciaire ayant refusé de donner son avis sur la possibilité de modifier ce talus et sur le coût des travaux, ils vont solliciter un devis d'un professionnel sur leur faisabilité et leur coût ;
- que le mur de soutènement en litige a été réalisé en 1985 par l'ancien propriétaire C..., pour soutenir les terres du lot numéro 24, qui devait donc l'entretenir ;
- que le mur est dangereux et menace de s'effondrer.
Par écritures en date du 10 avril 2012, Raymonde Y... conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame paiement de la somme de 400 000 fr. cfp en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 7 juin 2012 le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 12 rue Mérano (ci-après dénommé le syndicat) demande également à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter les consorts X... de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 300 000 fr. Cfp en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il souligne, pour l'essentiel :
- que selon l'article 2264 du Code civil, « le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire » ;
- que le talus en litige est présent depuis l'origine de la construction, qui date des années 50, et qu'il n'est pas démontré l'intervention réalisée en 1981 sur l'immeuble aurait été la cause de l'empiètement reproché, qui préexistait.
Par ordonnance du 21 août 2012 la clôture de la procédure a été fixée au 28 septembre 2012.
SUR QUOI, LA COUR :
Sur la prescription acquisitive revendiquée par le syndicat :
C'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge, se fondant notamment sur l'expertise judiciaire précise et complète, a retenu que le talus séparant les lots numéro 23 et numéro 25 est la propriété du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 12 rue Mérano, par sa possession pendant plus de 30 ans.
Le moyen développé en appel par Alexandre et Angèle X... selon lequel les travaux réalisés en 1989 sur ce talus ont aggravé l'empiètement qui préexistait ne repose que sur l'attestation de leur cousine Dominika G..., qui ne fait nullement état d'un nouvel empiètement dans la mesure où elle se contente de déclarer « avoir vu une pelle rétro en train de gratter le talus séparant le lot 25 au lot 23 de la famille X... en 1989 », ajoutant :
« durant ces travaux j'ai vu la pelle rétro gratter le talus et chargé la terre dans un camion qui était à proximité ».
L'affirmation des appelants selon laquelle le fait de projeter du béton sur ce talus (lors de ces travaux) aurait aggravé l'empiètement qui préexistait sur leur terrain ne repose sur aucun élément probant, concret et vérifiable, et relève d'une simple hypothèse.
Sur la propriété du mur de soutènement et sa demande de démolition :
En cause d'appel Raymonde Y... ne prétend plus avoir acquis la propriété du mur litigieux par prescription.
Mais c'est par une juste motivation que le tribunal a constaté que ce mur était la propriété des consorts X....
Il est édifié, non en mitoyenneté des lots 23 et 24, mais sur le lot 23, étant rappelé qu'avant que le lot 23 ait été attribué aux appelants, ces deux lots appartenaient à leur auteur.
Le rapport du sapiteur Gérard D..., joint à l'expertise de Michel Z..., permet de retenir que ce « mur (est) de construction très ancienne-au moins 50 ans-selon son aspect et son mode de réalisation », ce que ne contredisent pas les photos jointes à ce rapport d'un expert connu par la cour pour ses compétences techniques.
Comme l'a relevé le tribunal, ce mur existait lorsque le précédent propriétaire (José C...) du lot numéro 24 l'a réhaussé, avant d'y adosser des remblais pour construire ensuite une villa.
Les attestations de Gaël E... et de Lolesio G..., qui tendent à contredire le fait que ce mur existait avant les années 1984-1985, peuvent être suspectées de partialité puisque établies par des cousins des appelants.
Il en est de même de l'attestation émanant de leur tante Malia Koleti F..., ancienne compagne de José C..., qui affirme que ce mur a été construit par lui en 1985 « afin de soutenir le remblai apporté sur le lot no24 en prévision d'une construction prochaine ».
En outre, les deux attestations de Gaël E... se contredisent, dans la mesure où la première (pièce numéro 11) précise qu'il se souvient « avoir vu, dans les années 1984-85 M. José C... poser des agglos, afin d'élever le mur de séparation existant entre les lots 23 et 24 », et que la seconde (pièce numéro 14) indique qu'il n'existait « rien ne construit entre les lots 23 et 24 » avant les années 1984-1985.
Quant au devis établi le 8 août 1980 par José C... dans la perspective de construction de sa maison d'habitation, s'il mentionne un « mur de soutènement en B. A à semelles filantes.... » c'est au titre des « fondations », et cela ne prouve pas qu'il ait construit le mur litigieux.
En définitive, les pièces contradictoirement débattues démontrent que le mur litigieux existait avant que les appelants deviennent propriétaires du lot 23, qu'il se trouvait sur leur propriété et qu'il a été réhaussé en 1984 ou 1985 par leur voisin, propriétaire du lot 24.
En conséquence, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a décidé que les consorts X..., propriétaires exclusifs du mur de soutènement, doivent supporter seuls les frais de démolition et de reconstruction de ce mur.
Sur les autres demandes :
Il est équitable d'allouer à chacun des intimés la somme de 200 000 fr. Cfp au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire déposé au greffe,
Confirme le jugement rendu le 26 septembre 2011 par le tribunal de première instance de Nouméa,
Y ajoutant,
Condamne solidairement Alexandre et Angèle X... à payer à Raymonde Y... la somme de deux cent mille (200 000) fr. Cfp au titre des frais irrépétibles d'appel, et la même somme au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé 12 rue Mérano, au même titre ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne solidairement Alexandre et Angèle X... aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
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