Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 12 juin 1997

Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 12 juin 1997

96-80.842, Inédit

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de A... de MASSIAC, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;

Statuant sur le pourvoi formé par : - DEROULEZ Dominique,

- Y... Henri,

- Z... Jean-Pierre, prévenus,

- LA SOCIETE LA REDOUTE, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 30 novembre 1995, qui, pour acceptation de factures non conformes, a condamné les prévenus, chacun à une amende de 30 000 francs, et a déclaré la société civilement responsable ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 31 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 1134 du Code civil, 111-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué reconnaissant Dominique X..., Henri Y... et Jean-Pierre Z... coupables des faits qui leur étaient reprochés, les a condamnés à 30 000 francs d'amende chacun, et a déclaré la société La Redoute civilement responsable ;

"aux motifs propres et adoptés que les accords commerciaux conclus entre La Redoute et les fournisseurs visés dans la prévention établissaient pour 1991 une grille de ristourne à taux progressif en fonction du chiffre d'affaires total facturé durant l'année ;

que le principe acquis de ces ristournes pour tous les fournisseurs résulte soit de la production des accords valables en 1991 soit des déclarations des prévenus; que toutes les remises non mentionnées sur les facture incriminées étaient non seulement de principe acquis à la date des ventes puisque non soumises à aucune condition d'aucune sorte mais qu'elles étaient aussi de montant chiffrable dans la mesure où elles étaient susceptibles d'une évaluation, à la même date, par référence aux grilles de remises et au chiffre d'affaires déjà réalisé et qu'ainsi leur assiette et leur mode de calcul étaient connus dès le début d'année souvent d'ailleurs par reconduction des accords conclus les années précédentes; que l'article 31 de l'ordonnance n'exige pas la mention sur les factures d'une remise chiffrée précisément dans son quantum pour tenir compte des aléas de la vente par correspondance; que si l'Administration a opéré ces contrôles dans les locaux de La Redoute dans le cadre prévu d'une opération de vente à perte, la Direction générale de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes n'en est pas moins fondée à vérifier le respect par les producteurs et les distributeurs des dispositions de l'article 31 de l'ordonnance précitée; qu'en effet, l'article 32 de ce texte précise que "le prix d'achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture d'achat"; que l'article 31 dispose en conséquence de la présomption de l'article 32 que les factures doivent comporter diverses mentions; que si ces deux textes ont une finalité complémentaire, l'article 31 jouit aussi d'un régime autonome qui peut servir de fondement à des poursuites distinctes de la vente à perte ;

que, d'autre part, les dispositions de l'article 31 s'imposent indistinctement au vendeur et à l'acheteur tenus à des obligations complémentaires et réciproques de sorte que l'acheteur peut être poursuivi indépendamment du vendeur et quoiqu'il advienne des poursuites dirigées contre celui-ci ;

"alors que les procès-verbaux constatant les infractions économiques doivent à peine de nullité être rédigés dans les plus courts délais; qu'après s'être présenté le 22 juillet 1991 dans les locaux de La Redoute, l'enquêteur de la répression des fraudes a attendu le 13 janvier 1992 pour dresser un procès-verbal d'infraction ;

qu'en retenant néanmoins la validité de ce procès-verbal, et de la procédure subséquente alors que ce délai de six mois avait porté atteinte aux intérêts de la défense et était excessif, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt attaqué ni d'aucunes conclusions que les prévenus aient régulièrement soulevé devant les juges du fond l'exception de nullité de la procédure visée au moyen ;

D'où il suit que, par application de l'article 385 du Code de procédure pénale, le moyen doit être déclaré irrecevable ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 31 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 1134 du Code civil, 111-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué reconnaissant Dominique X..., Henri Y... et Jean-Pierre Z... coupables des faits qui leur étaient reprochés, les a condamnés à 30 000 francs d'amende chacun, et a déclaré la société La Redoute civilement responsable ;

"aux motifs propres et adoptés que les accords commerciaux conclus entre La Redoute et les fournisseurs visés dans la prévention établissaient pour 1991 une grille de ristourne à taux progressif en fonction du chiffre d'affaires total facturé durant l'année ;

que le principe acquis de ces ristournes pour tous les fournisseurs résulte soit de la production des accords valables en 1991 soit des déclarations des prévenus; que toutes les remises non mentionnées sur les factures incriminées étaient non seulement de principe acquis à la date des ventes puisque non soumises à aucune condition d'aucune sorte mais qu'elles étaient aussi de montant chiffrable dans la mesure où elles étaient susceptibles d'une évaluation, à la même date, par référence aux grilles de remises et au chiffre d'affaires déjà réalisé et qu'ainsi leur assiette et leur mode de calcul étaient connus dès le début d'année souvent d'ailleurs par reconduction des accords conclus les années précédentes; que l'article 31 de l'ordonnance n'exige pas la mention sur les factures d'une remise chiffrée précisément dans son quantum pour tenir compte des aléas de la vente par correspondance; que si l'Administration a opéré ces contrôles dans les locaux de La Redoute dans le cadre prévu d'une opération de vente à perte, la Direction générale de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes n'en est pas moins fondée à vérifier le respect par les producteurs et les distributeurs des dispositions de l'article 31 de l'ordonnance précitée; qu'en effet, l'article 32 de ce texte précise que "le prix d'achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture d'achat";

que l'article 31 dispose, en conséquence de la présomption de l'article 32, que les factures doivent comporter diverses mentions; que si ces deux textes ont une finalité complémentaire, l'article 31 jouit aussi d'un régime autonome qui peut servir de fondement à des poursuites distinctes de la vente à perte ;

que, d'autre part, les dispositions de l'article 31 s'imposent indistinctement au vendeur et à l'acheteur tenus à des obligations complémentaires et réciproques de sorte que l'acheteur peut être poursuivi indépendamment du vendeur et quoiqu'il advienne des poursuites dirigées contre celui-ci ;

"1°) alors que les textes répressifs étant d'interprétation stricte, les juges ne peuvent les appliquer par voie d'extension; qu'en l'état d'un texte répressif qui impose au vendeur de remettre à un acheteur dès la réalisation de la vente une facture comportant notamment mention des remises et des ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable, le juge ne peut étendre à l'acheteur cette obligation et le condamner, au lieu et place du vendeur, pour défaut de ces mentions; qu'en étendant à la société La Redoute en sa qualité d'acheteur des obligations qui ne s'imposaient qu'au vendeur, la Cour a méconnu le principe de l'application stricte des lois pénales en violation des textes visés au moyen ;

"2°) alors qu'aux termes de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, tout achat de produit pour une activité professionnelle doit faire l'objet d'une facture mentionnant notamment les rabais et ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable au moment de la vente; que les juges du fond ont expressément relevé que les accords commerciaux conclus entre La Redoute et les fournisseurs visés dans la prévention établissaient pour 1991 une grille de ristourne à taux progressif en fonction du chiffre d'affaires total facturé durant l'année; qu'en décidant que leur montant chiffrable pouvait être évalué au moment de la vente par référence aux grilles de remises et au chiffre d'affaires des années précédentes alors qu'elle relevait que les parties avaient convenu de les calculer à partir du chiffre d'affaires de l'année en cours, la Cour a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

"3°) alors qu'en relevant que le montant des rabais et des ristournes pouvait être évalué au moment de la vente alors que la loi exige un chiffre précis et exact, la Cour a méconnu le sens et la portée de l'ordonnance du 1er décembre 1986" ;

Vu lesdits articles, ensemble la loi du 1er juillet 1996 ;

Attendu que seules les réductions de prix acquises à la date de la vente doivent, aux termes de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 1996, être mentionnées sur les factures de vente ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Dominique X..., Henri Y..., Jean-Pierre Z..., responsables des négociations avec les fournisseurs au sein de la société La Redoute, ont été poursuivis devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, pour avoir accepté de plusieurs fournisseurs des factures n'indiquant pas certaines remises calculées sur le chiffre d'affaires annuel ;

Attendu que, pour entrer en voie de condamnation, les juges du fond relèvent que, l'octroi de remises en fonction du chiffre d'affaires réalisé sur les produits de la marque étant stipulé dans les conditions générales de vente des fournisseurs, et le versement effectif de celles-ci ne dépendant que de la volonté du client de respecter les normes proposées, ces remises étaient nécessairement acquises, lors de la vente, à la société La Redoute ;

Qu'ils observent encore que, le montant des remises étant, pour l'essentiel, fonction de taux dont l'importance augmentait, par paliers successifs, selon le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société La Redoute, ces dernières étaient en partie chiffrables au moment de la vente, même si un réajustement devait être fait en fin d'année, ces accords sur remise étant la reconduction d'accords passés les années précédentes ;

Qu'ils en concluent que les factures des fournisseurs auraient dû mentionner l'ensemble de ces remises et ajoutent que, les obligations édictées par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 s'imposant tant au distributeur qu'au vendeur, les trois responsables des achats au sein de la société La Redoute avaient commis une infraction en acceptant des factures incomplètes ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que des remises de fin d'année, dont le bénéfice n'est acquis au distributeur des produits d'une marque qu'après réalisation de certains seuils de chiffre d'affaires ne sauraient être regardées, faute d'accomplissement des conditions auxquelles elles sont subordonnées, comme acquises au moment de la vente, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et privé sa décision de base légale ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Et attendu qu'aucune infraction n'étant constatée, il ne reste plus rien à juger ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le troisième moyen de cassation proposé,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, en date du 30 novembre 1995 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de DOUAI, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Culié conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Roman, Schumacher, Martin, Pibouleau conseillers de la chambre, M. de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires ;

Avocat général : M. le Foyer de Costil ;

Greffier de chambre : Mme Mazard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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