Cour de cassation, Chambre criminelle, du 3 mai 1989
Cour de cassation, Chambre criminelle, du 3 mai 1989
89-81.031, Inédit
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trois mai mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ZAMBEAUX, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Gilles,
contre deux arrêts de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 21 décembre 1988, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de coups ou violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, ont :
- le premier (pourvoi n° S 89-81. 032), prononce l'annulation d'un certain nombre de pièces de la procédure,
- le second (pourvoi n° R 89-81. 031), ordonné son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation d'homicide volontaire ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits en demande ; Sur le pourvoi n° S 89-81. 032 formé contre l'arrêt n° 1 du 21 décembre 1988 :
Sur le deuxième moyen de cassation proposé contre cet arrêt et pris de la violation des articles 172, 173, 206 et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a annulé certaines parties du réquisitoire du procureur général en date du 4 mai 1988 ; " alors qu'en raison du principe d'indépendance du ministère public à l'égard des juridictions, celles-ci ne peuvent prescrire de modifications dans les actes émanant de celui-ci ; qu'en ordonnant la cancellation de certains passages du réquisitoire du procureur général du 4 mai 1988, la chambre d'accusation a excédé ses pouvoirs " ; Et sur le moyen relevé d'office et pris de la violation de l'article 26 de la loi du 20 juillet 1988 portant amnistie ainsi que des articles 206 et 593 du Code de procédure pénale ; Les moyens étant réunis ; Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que les dispositions de l'article 26 de la loi du 20 juillet 1988 qui interdisent à toute personne en ayant eu connaissance de rappeler, sous quelque forme que ce soit, ou de laisser subsister dans tout document quelconque les condamnations pénales, les sanctions disciplinaires ou professionnelles et les déchéances effacées par l'amnistie ne sont pas prescrites à peine de nullité ; que ces dispositions ne concernent pas l'énoncé des faits poursuivis ou sanctionnés ; Attendu, d'autre part, qu'en raison du principe d'indépendance du ministère public à l'égard des juridictions, celles-ci ne peuvent ordonner de modifications dans les actes émanant de celui-là ; Attendu, enfin, que tout arrêt doit être motivé et que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, saisie en vertu de l'article 181 du Code de procédure pénale, de l'information suivie contre Gilles X... du chef de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, la chambre d'accusation, qui était invitée par l'inculpé à tirer les conséquences de la loi d'amnistie du 20 juillet 1988 à l'égard de la procédure, a cru devoir répondre sur ce point par un arrêt distinct de l'arrêt de mise en accusation cependant rendu le même jour ; Que, se fondant sur la circonstance que la procédure avait été communiquée au Parquet avant la promulgation de ladite loi les juges ont, en raison de l'amnistie, déclaré entachées de nullité des pièces du dossier et ont, en conséquence, ordonné soit leur retrait soit la cancellation de certaines mentions ; que les annulations totales ou partielles ainsi prescrites portent sur des documents de natures diverses établis antérieurement à la publication de la loi d'amnistie ; que l'arrêt attaqué prévoit la cancellation de réquisitions du ministère public ainsi que de décisions du juge d'instruction ou de la chambre d'accusation ; qu'enfin, si certains des documents visés comportent l'indication de condamnations ou sanctions infligées à X... d'autres ne concernent que les faits poursuivis à l'exclusion de toute mention de condamnation ou sanction ; Mais attendu qu'en cet état, à supposer que les dispositions de l'article 26 de la loi du 20 juillet 1988 soient applicables, l'arrêt attaqué n'énonçant pas les condamnations en cause, la chambre d'accusation ne pouvait, sans méconnaître les principes ci-dessus rappelés prononcer l'annulation totale ou partielle de pièces de la procédure, et n'a pas donné de base légale à sa décision ; Qu'ainsi la cassation est encourue ; Sur le pourvoi n° R 89-81. 031 formé contre l'arrêt n° 2 du 21 décembre 1988 :
Sur le deuxième moyen de cassation proposé contre cet arrêt et pris de la violation des articles 103, 106, 107, 121, 206 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a omis d'annuler d'office le procès-verbal de transport sur les lieux du 7 novembre 1986, lequel fait état des déclarations et réponses de l'inculpé et de plusieurs témoins qui ont été interrogés en dehors des formes prescrites par les articles 103 et 106, les témoins n'ayant ni prêté serment, ni signé le procés-verbal et l'inculpé n'ayant pas signé le procès-verbal ; " alors que lorsque le magistrat instructeur, au cours de la reconstitution des faits, recueille les déclarations des témoins et de l'inculpé, il doit procéder sans désemparer à des auditions et confrontations régulières en faisant prêter aux témoins le serment requis par la loi et en faisant signer le procès-verbal par l'inculpé et les témoins entendus " ; Attendu que l'examen du procès-verbal de transport établi le 7 novembre 1986 permet à la Cour de Cassation de s'assurer que les propos rapportés par le juge d'instruction ne révèlent pas qu'il ait été procédé à des interrogatoires ou auditions mais qu'ils constituent seulement des précisions nécessaires au déroulement des opérations matérielles de la reconstitution ; Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 172, 173, 206 et 593 du Code de procédure pénale ; " en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Gilles X... devant la cour d'assises sous l'accusation d'homicide volontaire ; " alors que la cassation de l'arrêt rendu le même jour et annulant totalement ou partiellement 37 actes et pièces de l'instruction doit entraîner la cassation de l'arrêt de renvoi de Gilles X... devant la cour d'assises " ; Attendu que la cassation de l'arrêt avant dire droit précédent entraîne la cassation de l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises attaqué ; Qu'ainsi la cassation doit être prononcée ; Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les premier et troisième moyens proposés contre l'arrêt n° 1 ni sur le troisième moyen proposé contre l'arrêt n° 2 :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les deux arrêts susvisés de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, du 21 décembre 1988, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
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