Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 14 juin 2005

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 14 juin 2005

02-16.443, Inédit

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Cogimex France que sur le pourvoi incident relevé par la société Noorgate jeunes ;

Attendu selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 26 janvier 1999, pourvoi n° K 97-10.172), que la société Chipie design est propriétaire d'une marque "Chipie" couvrant les habits ; qu'elle fait fabriquer et revêtir de cette marque, sous son contrôle et celui de la société d'exploitation des établissements Signoles (la société Signoles, devenue entre-temps la société Chipie international), à qui elle en confie la commercialisation, des jeans par la société Cogimex Mauritius ; que les sociétés Chipie design et Signoles (les sociétés Chipie) ont, à la suite d'une saisie-contrefaçon, formé une action tendant à l'interdiction de l'usage de la marque et au paiement de dommages-intérêts contre la société Noorgate jeunes (la société Noorgate), qui détenait et offrait à la vente des jeans de marque "Chipie", ainsi que contre la société Cogimex Mauritius, qui les lui avait vendus ;

que la société Noorgate a appelé en garantie la société Cogimex France ;

que pour rejeter les demandes des sociétés Chipie la cour d'appel a retenu que le droit de la marque ne permet pas à son titulaire de contrôler la commercialisation de produits qu'il a volontairement mis dans le commerce, ni de s'opposer à leur revente dans des conditions qu'il désapprouve, sauf motifs légitimes, qui ne peuvent résulter de la simple invocation d'une prétendue convention de distribution exclusive ou sélective ; que cet arrêt ayant été cassé, à défaut de constater que la mise dans le commerce des vêtements fabriqués et marqués sous le contrôle de la société propriétaire de la marque et de celle à qui elle en avait concédé l'exploitation avait eu lieu avec l'accord de la société Chipie ou après épuisement des droits en application de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a accueilli l'action de la société Chipie international, et condamné la société Cogimex France à garantir la société Noorgate ainsi qu'à rembourser aux sociétés Chipie une indemnité perçue en exécution de l'arrêt cassé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui est préalable :

Attendu que la société Noorgate fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle a fait un usage illicite de la marque "Chipie" en mettant en vente sans autorisation sur le territoire de l'Ile de la Réunion, des pantalons revêtus de cette marque, et d'avoir prononcé à son encontre diverses condamnations pécuniaires et mesures d'interdiction, alors, selon le moyen, que seul le fait de mettre, pour la première fois, dans le commerce des produits marqués sans l'autorisation du titulaire de la marque constitue une contrefaçon ; que le titulaire d'une marque qui a lui-même mis un produit sur le marché ne peut donc plus invoquer son droit sur la marque pour exciper d'une contrefaçon tirée d'une commercialisation sans son consentement ; qu'en l'espèce, il était constant que la société Chipie avait elle-même vendu les jeans de deuxième choix à son fabricant, la société Cogimex Mauritius, à charge pour lui de les revendre ;

que c'était donc le titulaire de la marque lui-même qui en avait assuré la première mise dans le commerce, qu'il ne pouvait plus en conséquence exciper de son droit sur la marque pour reprocher à la société Noorgate une prétendue contrefaçon, quand cette société n'avait pas mis les jeans litigieux pour la première fois dans le commerce, mais les avait acquis de la société Cogimex Mauritius, les ayant elle-même acquis du titulaire de la marque ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 713-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que toute commercialisation ultérieure de produits mis sur le marché en l'absence de consentement ou d'épuisement des droits du titulaire de la marque constituant une contrefaçon, le moyen manque en fait dès lors que la cour d'appel a constaté que la société Cogimex Mauritius a été autorisée à vendre des stocks de deuxième choix à l'Ile Maurice, mais qu'aucune preuve n'est rapportée qu'elle ait bénéficié de la même autorisation pour des ventes à la Réunion ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société Cogimex France fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'elle était tenue de garantir la société Noorgate et de rembourser une certaine somme aux sociétés Chipie, alors, selon le moyen, qu'en l'état de ses conclusions soutenant qu'elle n'avait aucun lien contractuel avec la société Noorgate, que les jeans litigieux avaient été vendus par la société Cogimex Mauritius qui en avait seule perçu le prix, qu'elle-même n'était jamais intervenue dans cette transaction, que la société Cogimex Mauritius était le contractant de la société Noorgate, la cour d'appel qui, pour la condamner à garantir la société Noorgate des condamnations prononcées contre elle, énonce que cette société affirme sans être contredite qu'en janvier 1992 il lui a été proposé par la société Cogimex France d'acheter un stock de jeans de marque "Chipie", a dénaturé les conclusions dont elle était saisie par cette société, violant ainsi les articles 4 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt examine le fond de la contestation en relevant, par motifs propres et adoptés, que la société Cogimex France ne saurait prétendre être étrangère au litige, alors que le contenu des fax qu'elle a adressés à la société Noorgate montre qu'elle est intervenue dans la réalisation de la transaction aux côtés de la société Cogimex Mauritius, que l'offre avait été renouvelée par les deux sociétés Cogimex, et que cette offre avait été fixée par télécopie sur papier à en-tête au nom des deux sociétés et signée de leur gérant ; que le moyen, qui s'attaque à un motif surabondant, ne peut être accueilli ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour fixer le montant du préjudice subi par les sociétés Chipie, l'arrêt retient qu'il est d'autant plus important qu'à côté des jeans de marque vendus sans autorisation, il a également été vendu un nombre indéterminé de contrefaçons grossières ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans examiner les contestations portant sur la réalité d'actes de contrefaçon résultant de la vente de produits non authentiques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a chiffré le préjudice de la société Chipie international, l'arrêt rendu le 5 avril 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Cogimex, la société Chipie design et la société Chipie international aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civle, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille cinq.

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