COUR DES COMPTES - Deuxième Chambre - Arrêt - 13/05/2020
COUR DES COMPTES - Deuxième Chambre - Arrêt - 13/05/2020
Grand port maritime de la Guyane (GPMG) - Exercice 2017 - n° S-2020-0333
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2019-17 du 21 juin 2019, par lequel la Procureure générale près la Cour des comptes a saisi la juridiction d’une charge soulevée à l’encontre de M. X, agent comptable du grand port maritime de la Guyane (GPMG), au titre d’opérations relatives à l’exercice 2017 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable du grand port maritime de la Guyane par M. X au titre de l’exercice 2017 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu les lois et règlements applicables aux grands ports maritimes, notamment le code des ports maritimes, les articles L. 5311-1 à L. 5352-5 et R. 5311-1 à R. 5352-7 du code des transports et les instructions comptables M9 et M9-5 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu le décret n° 2012-1102 du 1 er octobre 2012 relatif à l’organisation et au fonctionnement des grands ports maritimes de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion ;
Vu le décret n° 2012-1105 du 1 er octobre 2012 instituant le grand port maritime de la Guyane ;
Vu le rapport n° R-2019-1584 de M. Pascal BRICE, conseiller maître, magistrat chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 050 du 24 janvier 2020 de la Procureure générale ;
Vu les pièces du dossier ;
Entendu, lors de l’audience publique du 31 janvier 2020, M. Pascal BRICE, conseiller maître, en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère public, les parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la charge unique soulevée à l’encontre de M. X au titre de l’exercice 2017 :
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X à raison de la persistance d’un solde débiteur de 3 569,44 € au compte 2755 « Dépôts et cautionnements versés » , sans justification au 31 décembre 2017 ; qu’étant susceptible de constituer un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs, ce défaut de justification serait présomptif d’irrégularités pouvant fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X ;
Sur le droit applicable
2. Attendu qu'en application du I de l'article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public (…) , du maniement des fonds et des mouvements des comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors (…) qu'un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté (…) » ;
3. Attendu qu’aux termes des articles 17 et 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent » ; que le comptable public est seul chargé, dans le poste comptable qu’il dirige, notamment, « de la tenue de la comptabilité générale (…) , de la garde et de la conservation des fonds et valeurs (…) , de la conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité » ;
Sur les faits
4. Attendu que le compte 2755 « Dépôts et cautionnements versés » du grand port maritime de la Guyane (GPMG) enregistre depuis sa création une avance intitulée « avance sur consommation » (ASC) correspondant à une pratique d’EDF dans les départements d’outre-mer, introduite dans ses conditions générales de vente, visant à obtenir de ses clients, à tout le moins s’agissant d’entreprises et de collectivités, une avance avant toute facturation de consommation d’électricité ; que le solde débiteur au 31 décembre 2017 du compte 2755 correspondait à cette avance mais qu’il n’était justifié par aucune pièce ;
Sur les éléments à décharge apportés par le comptable
5. Attendu qu’il ressort de la réponse au réquisitoire de M. X que le solde débiteur en cause de 3 569,44 € constitue un héritage du transfert, réalisé entre 2013 et 2015, de la gestion du port entre la chambre de commerce et d’industrie de la Guyane (CCIG), à laquelle elle incombait jusque-là, vers le GPMG, qui a été créé par le second décret susvisé du 1 er octobre 2012 pour en assurer désormais l’administration, et que ce solde résultait de deux versements de 494,54 € et de 3 074,90 € effectués en 1980 et 1988 par la CCIG ;
6. Attendu que le comptable a produit un ensemble de pièces faisant apparaître, d’une part, qu’en 2013, lors du transfert au GPMG du contrat de fourniture d’électricité que la CCIG avait conclu avec EDF, le montant de l’avance sur consommation était passé de 3 569,44 € à 3 371,99 €, puis qu’à la suite d’« une demande de modification de la puissance le 28 juillet 2017 », il avait été augmenté de 8 302,32 € et, d’autre part, que les écritures de régularisation de ces deux opérations ont été effectuées le 29 novembre 2019 ; qu’à l’issue de ces opérations, le solde débiteur du compte 2755 atteignait un montant dûment justifié de 11 674,44 € ;
Sur l’existence d’un manquement
7. Attendu que, selon les instructions M9-5 puis M9 commune applicables aux établissements publics industriels et commerciaux, le compte 2755 enregistre de façon extrabudgétaire les dépôts et cautionnements versés en contrepartie de mouvements provenant des comptes financiers (classe 5) de l’établissement concerné ;
8. Attendu qu’aucune pièce justificative n’avait été produite à l’appui des deux versements effectués par la CCIG en 1980 et 1988 et que M. X n’a formulé aucune réserve sur ce point de la gestion de son prédécesseur, qui ne s’était pas lui-même opposé à la reprise de cette avance dans les écritures du GPMG, alors que les contrats de fourniture d’électricité conclus par la CCIG et le grand port maritime de la Guyane avec EDF avaient été séparés lors de la création du GPMG ;
9. Attendu que la création de l’avance propre au grand port maritime de la Guyane et la régularisation de celle de la CCIG n’ont été retranscrites dans les comptes du GPMG que le 29 novembre 2019 par mouvement du compte 110 « Report à nouveau créditeur » et non d’un compte financier ; qu’à la date du 31 décembre 2017, le solde débiteur du compte 2755 correspondait à une avance non justifiée de la CCIG et que M. X a engagé de ce chef sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
10. Attendu que le comptable a apporté la preuve que le solde au 31 décembre 2017 du compte 2755 correspondait à une avance qui ne concernait pas le grand port maritime de la Guyane mais un organisme tiers ; que sa régularisation réalisée le 29 novembre 2019, nonobstant l’erreur qui l’a affectée et qu’il appartiendra au comptable de rectifier, a conduit à ce que le manquement constaté n’a pas causé de préjudice financier au GPMG au sens des dispositions du deuxième alinéa du VI de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 ;
11. Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable (…) n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce » ; que le décret du 10 décembre 2012 susvisé fixe le montant maximal de cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ; que le montant du cautionnement prévu pour le poste comptable considéré pour l’exercice 2017 ayant fixé à 152 000 €, le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de Monsieur X s’élève à 228 € ;
12. Attendu qu’eu égard aux circonstances, en particulier l’ampleur des difficultés qui ont affecté la mise en place du GPMG et le transfert à ce nouvel établissement public de la gestion du port, il n’y a pas lieu d’obliger le comptable à s’acquitter d’une somme pour le manquement constaté ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1 er – Il n’y a pas lieu d’obliger M. X à s'acquitter d'une somme à raison du manquement constaté.
Fait et jugé en la Cour des comptes, deuxième chambre, quatrième section. Présents : M. Louis VALLERNAUD, président de section, président de la formation, MM. Vincent FELLER, Gilles MILLER, Pierre ROCCA et Paul de PUYLAROQUE, conseillers maîtres et Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître.
En présence de Mme Stéphanie MARION, greffière de séance.
Stéphanie MARION
Louis VALLERNAUD
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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