CDBF - Arrêt - 29/04/1998
CDBF - Arrêt - 29/04/1998
Lycée Gaston Berger de Lille (Nord). - n° 124-372
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
siégeant à la Cour des comptes, en audience non publique, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la lettre du 2 juin 1995 par laquelle le commissaire du gouvernement près la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais a informé le Procureur général près la Cour des comptes d’irrégularités relevées lors du contrôle du lycée Gaston Berger de Lille (Nord) dans le cadre des relations entretenues entre cet établissement public local d’enseignement et l'École supérieure de commerce de Lille (ESC) ;
Vu le réquisitoire du 31 août 1995 par lequel le Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi celle-ci des faits susmentionnés ;
Vu la décision du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 29 janvier 1996 désignant comme rapporteur M. Linquier, auditeur à la Cour des comptes ;
Vu les lettres recommandées adressées par le Procureur général le 5 mars 1996 mettant en cause M. Claude X..., ancien recteur de l’académie de Lille, M. Yves Y..., proviseur du lycée Gaston Berger, M. Michel Z..., en sa double qualité d’agent comptable du même établissement et de directeur administratif et financier de l’ESC,
M. Jean-Pierre A..., directeur de l’ESC, et M. Jean B..., ancien directeur de l'école supérieure ; ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu la lettre recommandée adressée par le Procureur général le 31 octobre 1996 mettant en cause M. André C..., successeur de M. X... en qualité de recteur de l’académie de Lille ; ensemble l'accusé de réception de cette lettre ;
Vu la décision du 25 février 1997 par laquelle Mme le Procureur général a fait connaître au président de la Cour de la discipline budgétaire et financière qu'elle estimait, après communication du dossier de l'affaire le 9 janvier 1997, qu'il y avait lieu de poursuivre la procédure ;
Considérant que l’absence de réponse du ministre de l'Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministre de l'Économie et des finances dans le délai de deux mois qui leur avait été imparti à la demande d’avis formulée le 14 mars 1997 ne fait pas obstacle, en application de l’article L 314-5 du code précité, à la poursuite de la procédure ;
Vu la décision du 11 juillet 1997 du Procureur général renvoyant devant la Cour, en application de l'article L. 314-6 du code des juridictions financières, MM. Y..., X..., C..., Z..., A... et B... ;
Vu la lettre du 5 septembre 1997 du Président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant le dossier au ministre de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie pour communication aux commissions administratives paritaires ;
Vu les lettres du 8 janvier 1998 par lesquelles le secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière a avisé MM. Y..., X..., C..., Z..., A... et B... qu'ils pouvaient prendre connaissance du dossier dans un délai de quinze jours, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu les lettres recommandées du 27 février 1998 par lesquelles le Procureur général a cité MM. Y..., X..., C..., Z..., A... et B... à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, leur précisant qu’en l’absence de demande contraire de leur part, l’audience de la Cour n’aurait pas de caractère public ;
Vu les mémoires en défense transmis au greffe de la Cour le 19 février 1998 par MM. X... et C..., et le 23 février 1998 par Maître Delerue pour MM. Z..., A..., B... et Y...
;
Vu l’ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d’audition de MM. Y..., X..., C..., Z..., A... et B..., les témoignages de MM. D... et E..., respectivement directeur de l’ingénierie et directeur des affaires scolaires au conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, et le rapport d'instruction de M. Linquier ;
Entendu M. Linquier en son rapport ;
Entendu le Procureur général en ses conclusions et réquisitions ;
Entendu en sa plaidoirie Me Delerue et en leurs explications et observations MM. X..., C..., Z..., Y..., A... et B..., les intéressés et le conseil ayant eu la parole les derniers ;
Sur la compétence de la Cour :
Considérant qu’au moment des faits :
- M. Jean B... et M. Jean-Pierre A..., directeurs successifs de l'ESC Lille, étaient enseignants universitaires,
- M. Yves Y... était proviseur du lycée Gaston Berger,
- M. Claude X..., puis M. André C..., étaient recteurs de l'Académie de Lille,
- M. Michel Z..., directeur administratif et financier de l’ESC, était agent comptable du lycée Gaston Berger,
Considérant que l'ensemble de ces personnes sont justiciables de la Cour en application de l'article L. 312-1-I du code des juridictions financières ;
Sur la procédure :
Considérant que dans leur mémoire en défense, MM. Z..., A..., B... et Y... soutiennent que la décision de renvoi de l’affaire devant la Cour a été prise par le Procureur général 16 jours après la transmission du dossier par le Président de la Cour ; que, dès lors, le délai de 15 jours imparti par l’article L. 314-6 du code des juridictions financières serait dépassé et que la procédure serait irrégulière ;
Considérant que le renvoi devant la Cour par le Procureur général a été effectué le 11 juillet 1997, soit 15 jours après la transmission du dossier par le Président de la Cour le 26 juin 1997 ; que dès lors le moyen soulevé par MM. Z..., A..., B... et Y... manque en fait ;
Sur les infractions :
En ce qui concerne la mise à disposition de locaux
Considérant qu’aux termes des conventions entre le lycée Gaston Berger et l’ESC, signées les 26 novembre 1982 et 2 décembre 1982, le lycée a mis à disposition de l’ESC des locaux de 6 200 m² ainsi qu’une salle de sport de 186 m² mais que ces conventions n'ont pas été autorisées conformément aux règles définies par l'article 30 du code du domaine de l'État ;
Considérant toutefois que l’ESC s’est engagée notamment à verser au lycée un forfait de remboursement des charges et consommations de fluides constatées, et qu'elle a pris en charge les dépenses d’entretien, d’assurance et de réparation des bâtiments dont elle avait l’usage ;
Considérant que l'infraction commise par les signataires des conventions de 1982 se trouve couverte par la prescription édictée par l’article L. 314-2 du code des juridictions financières ; que le seul fait d’avoir continué à assurer l’application de ces conventions, en l’absence de toute remarque des autorités dépendant du ministre chargé du budget pour fixer définitivement le prix des locations relatives au domaine public de l'État, ne peut être regardé, dans les circonstances de l’espèce, ni de la part des recteurs de l’académie de Lille, MM. X... et C..., ni de la part du proviseur du lycée Gaston Berger comme constitutif d’une infraction sanctionnée par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant, d’autre part, qu’il résulte du dossier que cette mise à disposition a donné lieu à la réalisation par l’ESC de travaux de gros entretien et d’amélioration des locaux tels que l'État, propriétaire des locaux, n’a pas été lésé par cette mise à disposition, mais qu’au contraire, au terme de celle-ci, il a retrouvé des biens améliorés dans leur substance, et n’a donc pas subi de préjudice ; qu’ainsi l'infraction sanctionnée par l'article L. 313-6 du code des juridictions financières n’a pas été commise ;
En ce qui concerne la mise à disposition gratuite de personnels de service
Considérant que trente-cinq agents du lycée, fonctionnaires de l'État, ont exercé, entre 1990 et 1995, des activités accessoires de courte durée pour le compte de l’ESC, sans que l'ESC verse au lycée, comme l'imposait la convention du 26 novembre 1982, les charges correspondantes ; qu’ont ainsi été enfreintes les règles relatives à l’exécution des recettes de l’établissement, ce que sanctionne l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ; que la mise à disposition s'est prolongée durant toute la période non prescrite ;
Considérant qu’en outre cette absence de versement a conduit à octroyer à l’association gestionnaire de l’ESC un avantage injustifié occasionnant un préjudice pour le Trésor, ce que sanctionne l’article L. 313-6 du code des juridictions financières ;
Considérant que M. Y... était, durant cette période, chef d’établissement, ordonnateur du lycée et, à ce titre, responsable de l'utilisation du personnel technique du
lycée, conformément aux dispositions du décret 85-924 du 30 août 1985 ; qu’il était à même, puisqu’il était sur place, de vérifier l’application des dispositions des conventions ; qu’il aurait dû s’assurer du respect de ces dispositions ; que les circonstances avancées pour sa défense, selon lesquelles ces activités étaient rémunérées directement par l’ESC et se situaient en dehors des heures de service des agents au lycée, ne modifiaient pas les obligations fixées par les conventions ; que la responsabilité de M. Y... est dès lors engagée ;
Qu’en revanche, les recteurs d’académie successifs, MM. X... et C..., ne disposant pas de la responsabilité directe de la gestion du personnel technique du lycée, n’étaient pas en mesure d’être informés de l’absence de respect des stipulations des conventions de 1982 ; que, dès lors, leur responsabilité ne peut être engagée à ce titre ;
En ce qui concerne la rémunération d'agents de l'État par l'association gestionnaire de l'ESC
Considérant que les fonctions de directeur administratif et financier, exercées par
M. Z... à l'ESC, les fonctions de directeur général, exercées par M. A..., et les fonctions de directeur scientifique, exercées par M. B..., n'étaient, à la différence des fonctions de coordination pédagogique exercées par M. Y..., ni des fonctions exclusivement d'enseignement ressortissant de la compétence des fonctionnaires en cause, ni des professions libérales découlant de leur activité de fonctionnaires, mais avaient le caractère d'activités lucratives privées, qui ne pouvaient en aucun cas être autorisées, eu égard au principe général d'interdiction posé par l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; que si les infractions ainsi commises aux règles fixées par le décret du 29 octobre 1936 auraient pu justifier, de la part des autorités compétentes, l’application des mesures spécifiques prévues par les articles 6 et 9 de ce décret, elles ne sauraient pour autant être regardées comme constituant, de la part des bénéficiaires de ces cumuls, des infractions aux règles d’exécution de la dépense de l'État telles que les sanctionne l’article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Qu’enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que MM. X... et C..., recteurs de l’académie de Lille entre 1990 et 1995 aient eu personnellement connaissance de l’irrégularité de ces cumuls et aient commis une négligence en s’abstenant d’y mettre fin
;
Sur les responsabilités
Considérant, en ce qui concerne la mise à disposition gratuite de personnels de services fonctionnaires, que M. Y... ne peut invoquer en sa faveur l’exonération de responsabilité prévue par l’article L. 313-9 du code des juridictions financières ;
Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’affaire en infligeant à M. Y... une amende de 5 000 F.
ARRÊTE :
Article 1er : M. Yves Y... est condamné à une amende de cinq mille francs (5 000 F).
Article 2 : MM. Michel Z..., Jean-Pierre A..., Jean B..., Claude X... et André C... sont relaxés des fins de la poursuite.
Article 3 : Le présent arrêt ne sera pas publié au Journal officiel de la République française.
Fait et jugé en la Cour de discipline budgétaire et financière le vingt-neuf avril mil neuf cent quatre-vingt dix-huit.
Présents : M. Joxe, Premier président de la Cour des comptes, président ;
M. Massot, président de la section des finances du Conseil d'Etat, vice-président ; MM. Galmot et Fouquet, conseillers d'État, et Capdeboscq, conseiller maître à la Cour des comptes, membres de la Cour de discipline budgétaire et financière ; M. Linquier, auditeur à la Cour des comptes, rapporteur.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et le greffier suppléant.
Le Président, Le greffier suppléant,
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