CDBF - Arrêt - 20/05/1998
CDBF - Arrêt - 20/05/1998
Société de banque occidentale (SDBO). - n° 125-364
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE,
siégeant à la Cour des comptes en audience non publique, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la lettre du 13 avril 1995, enregistrée au parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes, sur déféré décidé par la première chambre dans sa séance du 26 janvier 1995 et transmis par lettre signée de son président, a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d’irrégularités constatées dans la conduite d’opérations de cession de titres, de prise de participation et d’octroi de prêt par la Société de Banque Occidentale (SDBO) ;
Vu le réquisitoire du 23 juin 1995 par lequel le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a transmis le dossier au président de la Cour, conformément à l’article L 314-3 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 28 juin 1995 désignant comme rapporteur Mme Pappalardo, conseiller référendaire à la Cour des comptes ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 20 octobre 1995 désignant comme rapporteur M. Campi, auditeur à la Cour des comptes, en remplacement de Mme Pappalardo ;
Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception du 5 mars 1996 par lesquelles le procureur général a informé M. Michel X... et M. Pierre Y..., respectivement ancien président et ancien directeur général de la Société de Banque Occidentale (S.D.B.O), de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code précité, ensemble les accusés de réception ;
Vu la lettre du 5 mai 1997 par laquelle Mme le procureur général a fait connaître au président de la Cour qu’elle estimait, après communication du dossier de l’affaire le 24 avril 1997, qu’il y avait lieu de poursuivre la procédure ;
Vu la lettre adressée le 12 mai 1997 par le président de la Cour de discipline budgétaire et financière au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, lui communiquant le dossier de l’affaire pour avis, conformément à l’article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Vu l’avis émis le 16 juillet 1997 par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 5 septembre 1997 transmettant le dossier de l’affaire au procureur général ;
Vu les conclusions motivées du procureur général, en date du 19 septembre 1997, ne retenant pas la responsabilité de M. X... et renvoyant M. Y... devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l’article L. 314-6 du code précité ;
Vu la lettre adressée le 30 avril 1998 par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie au président de la Cour de discipline budgétaire et financière au sujet de la non application en l'espèce de la procédure de communication à la commission administrative paritaire compétente prévue par l'article L. 314-8 du code ;
Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 19 février 1998 désignant comme rapporteur M. Girre, auditeur à la Cour des comptes, en remplacement de M. Campi ;
Vu la lettre recommandée en date du 23 février 1998 du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant M. Y... qu’il pouvait prendre connaissance du dossier suivant les modalités prévues à l'article L. 314-8 du code précité, ensemble l’accusé de réception ;
Vu la lettre recommandée du procureur général en date du 15 avril 1998 citant M. Y... à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière et lui précisant qu’en l’absence de demande contraire de sa part, l’audience de la Cour n’aurait pas de caractère public, ensemble l’accusé de réception ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Y... et enregistré au greffe de la Cour le 7 avril 1998 ;
Vu la convocation à témoin à l'initiative du procureur général en vertu de l'article L. 314-10 du code adressée le 7 mai 1998 par le président de la Cour de discipline budgétaire et financière à M. Michel X..., ensemble l’accusé de réception ;
Vu l’ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d'audition de MM. X... et Y..., les procès-verbaux de témoignage de MM. Didier Z... et Maurice A..., anciens gérants de la société MADIPAR, Jean-Pierre B..., ancien président directeur général de la société IMMOPAR, et Pierre-Georges C..., ancien directeur général adjoint de la SDBO, et le rapport d'instruction de M. Campi ;
Entendu M. Girre en son rapport ;
Entendu Mme le Procureur général en ses conclusions et ses réquisitions ;
Entendu M. X... en son témoignage reçu sous la foi de serment ;
Entendu en sa plaidoirie Me Le Bret et en ses explications et observations M. Y..., celui-ci et son conseil ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la Cour :
Considérant que la Société de Banque Occidentale (SDBO) était au moment des faits une filiale à 100 % du Crédit Lyonnais, entreprise publique relevant du contrôle de la Cour des comptes en application des dispositions de l'article L. 111-4 du code des juridictions financières, et était donc elle-même soumise à ce contrôle, en application de l'article L. 133-2 de ce même code ;
Considérant que M. Y... en sa qualité de directeur général de la SDBO était donc justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière en vertu de l’article L 312-1-I-c du code des juridictions financières ;
Sur la procédure :
Considérant que M. Y... n’a pas demandé que l’audience de la Cour ait un caractère public ;
Sur les faits :
Considérant que la société l'Occidentale financière et immobilière (OFI) a été créée en novembre 1988 sous la forme d’une société anonyme au capital de un million de francs représenté par mille actions d'une valeur nominale de 1 000 F, ce capital étant réparti essentiellement entre la SDBO (29,9 %), M. Maurice A... (34,8 %) et M. Didier Z... (34,9 %) ; que, le 10 février 1989, une action a été cédée à M. Y... par la SDBO en sa qualité de représentant de celle-ci au conseil d'administration d'OFI ;
Considérant que, le 12 avril 1989, MM. A... et Z... ont cédé chacun 34,7 % du capital d’OFI à la société en nom collectif Madipar qu’ils avaient créée pour porter leurs participations ;
Considérant que, le 17 avril 1989, MM. A... et Z..., agissant en qualité de seuls gérants de la SNC Madipar, ont consenti à M. Y..., pour un prix équivalant au nominal, une option d’achat portant sur 100 actions OFI, soit 10 % du capital ; que cette option d'une durée de deux ans, devait être levée par lettre recommandée au plus tard 48 heures avant la date d’expiration, la cession des actions objets de l’option devant elle-même être faite dans les 24 heures de la demande ;
Considérant que M. X..., alors président de la SDBO, a indiqué à MM. A... et Z... par lettres du 20 décembre 1988 qu'il était informé de l'opération et qu'il n'émettait aucune objection ;
Considérant que le 15 mars 1991, M. Y..., la SNC Madipar et la SDBO ont confié à la Société d'acquisition et de gestion des Yvelines (AGY) un mandat exclusif de vente de l’intégralité des actions OFI pour un prix de 100 millions de francs ;
Considérant que M. Y... a procédé à la levée de l’option qui lui avait été consentie deux ans plus tôt par une lettre simple datée du 15 avril 1991 adressée à la SNC Madipar et remise en mains propres à M. A... ; que par une autre lettre, du 27 juin 1991, adressée à la SNC Madipar, M. Y... a demandé la réalisation de l’option en joignant un chèque de 25 000 F pour régler la partie libérée des 100 actions acquises à leur valeur nominale de 1 000 F ; que ce transfert a été porté sur le registre des mouvements de titres de la SA OFI le 1er juillet 1991 ;
Considérant que la société OFI a été cédée à la Société immobilière de participation Immopar SA pour un prix de 130 millions de francs ; que la SDBO a accordé un prêt à Immopar couvrant la totalité de ce montant et a réinvesti le produit de la cession de ses titres OFI, soit 60 millions de francs, dans une participation de 12,5 % au capital d’Immopar ;
Considérant que pour réaliser ces opérations, Immopar a conclu trois protocoles le 26 juillet 1991 ;
qu’un premier protocole, conclu avec la SNC Madipar, portait sur l’achat des 600 actions OFI détenues par cette société et les personnes physiques dont elle se portait fort, pour un prix de 60 millions de francs, soit 100 000 F par action ; qu'il était soumis à la condition suspensive de l’achat par la société Immopar à la SDBO des actions OFI possédées par la banque ;
qu’un deuxième protocole, conclu avec M. Y..., portait sur l’achat des 100 actions OFI qu’il détenait, pour un prix de 10 millions de francs ; que ce protocole était soumis à deux conditions suspensives, consistant en l’achat, par Immopar, des actions détenues par la SNC Madipar et par la SDBO ;
qu’un troisième protocole, conclu avec la SDBO, portait sur l’achat des 300 actions OFI détenues par celle-ci et les personnes physiques dont elle se portait fort, pour un prix de 60 millions de francs ; que deux conditions suspensives subordonnaient l’exécution de ce protocole à une prise de participation de la SDBO au capital d’Immopar sur la base d’une valorisation à définir au plus tard le 20 septembre 1991 et à l’octroi par la SDBO d’un prêt de 130 millions de francs à Immopar ;
Considérant que M. Y... a adressé le 18 septembre 1991 une lettre à la société Immopar donnant l’agrément de la banque à une prise de participation dans le capital de cette société à hauteur de 12,5 %, valorisée à 60 millions de francs, dans laquelle il précisait : « cette lettre vaut réalisation de la condition suspensive visée à l’article II.1 de la convention », ladite convention étant celle du 26 juillet 1991 entre la SDBO et Immopar ; que M. B..., alors président directeur général d’Immopar, a porté sur cette lettre la mention manuscrite « bon pour accord », datée du 19 septembre 1991 ;
Considérant que le 20 septembre 1991, M. X..., saisi d'une note de M. Y..., a donné son accord manuscrit aux opérations de cession d’OFI, de prise de participation et de prêt de la SDBO ; que ces opérations ont été présentées le 26 septembre 1991 au comité de crédits de la SDBO présidé par M. Y... qui a pris acte de l’accord du président ; que le même jour la SDBO a apporté le concours de 130 millions ouvert à la société Immopar suivant les ordres de celle-ci ; qu'en particulier un chèque de dix millions de francs a été établi à l'ordre de M. Y... pour le paiement des 100 actions libérées du quart qu'il détenait ;
Sur les infractions et les responsabilités :
A. En ce qui concerne la méconnaissance des règles de compétence internes à la SDBO :
Considérant qu’en vertu des règles internes à la SDBO les trois éléments du protocole conclu entre la SDBO et Immopar relevaient de la seule compétence de M. X..., président de la SDBO ; que si M. Y... a lui-même, par lettre du 18 septembre 1991, engagé la SDBO dans la réalisation des opérations prévues par le protocole du 26 juillet 1991 alors que l’accord écrit de M. X... n’a été donné que le 20 septembre 1991, il résulte de l’instruction que le président de la SDBO n’exclut pas avoir donné son accord à la réalisation du protocole antérieurement au 18 septembre 1991 ; que dans ces conditions la méconnaissance des règles internes de la SDBO n’est pas établie ;
B. En ce qui concerne la méconnaissance des articles 101 et suivants de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 :
Considérant que l’article 101, alinéa 1, de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dispose que « toute convention intervenant entre une société et l’un de ses administrateurs ou directeurs généraux doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration » et que l’alinéa 2 du même article ajoute qu'« il en est de même des conventions auxquelles un administrateur ou directeur général est indirectement intéressé ou dans lesquelles il traite avec la société par personne interposée » ; qu'aux termes de l’article 103 de la loi précitée, « l’administrateur ou directeur général intéressé est tenu d’informer le conseil, dès qu’il a connaissance d’une convention à laquelle l’article 101 est applicable », et « ne peut prendre part au vote sur l’autorisation sollicitée » ; que le président du conseil d’administration doit alors donner avis aux commissaires aux comptes des conventions autorisées et soumettre celles-ci à l’approbation de l’assemblée générale, à laquelle les commissaires présentent un rapport spécial ;
Considérant que M. Y..., alors directeur général de la SDBO, était indirectement intéressé au sens de l'article 101 précité à la conclusion et à l'exécution du protocole du 26 juillet 1991 entre la banque et Immopar ; qu'en effet, d’une part, la réalisation de l’objet de ce protocole était une condition suspensive de la cession de ses propres titres OFI à Immopar aux termes du protocole qu’il avait conclu le même jour avec Immopar à des conditions lui permettant de réaliser une plus-value personnelle supérieure à 9,5 millions de francs ; que, d’autre part, le protocole conclu entre la SDBO et Immopar comportait la condition suspensive de l’octroi d’un prêt de 130 millions de francs par la banque à Immopar, destiné au financement de l’acquisition par Immopar de l’intégralité des titres OFI, parmi lesquels figuraient les titres détenus par M. Y... ; que si l'exécution du protocole conclu entre la SDBO et Immopar était soumise à des conditions suspensives dont la réalisation ne dépendait pas de M. Y..., ce dernier n'en conservait pas moins un intérêt indéniable à ce que ces conditions soient satisfaites et le protocole exécuté ;
Considérant en conséquence qu'en n’informant pas le conseil d’administration de l’intérêt personnel qu’il trouvait à la conclusion et à l’exécution par la SDBO du protocole avec Immopar, qui ne saurait par son importance pour la banque être considéré comme une des "conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales" auxquelles s'applique l'article 102 de la loi du 24 juillet 1966, M. Y... a méconnu les dispositions des articles 101 et 103 de la loi n° 66-537 précitée sur les sociétés commerciales ; que cette méconnaissance constitue une violation de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant en outre que M. Y... n’a pas informé M. X... qu’il avait levé l’option qui lui avait été consentie le 17 avril 1989 et qu’il était donc propriétaire de 10 % du capital d’OFI, titres dont la cession était subordonnée à celle des actions détenues par la SDBO, alors même que le protocole conclu entre la SDBO et Immopar le 26 juillet 1991 présenté à M. X... ne faisait état en ce qui concerne M. Y... que de la seule action qu’il détenait depuis 1989 en tant que directeur général de la banque ; que cette attitude de M. Y... constitue une circonstance aggravante ;
Considérant que les faits incriminés, qui se sont produits postérieurement au 13 avril 1990, ne sont pas couverts par la prescription instituée par l’article L. 314-2 du code des juridictions financières ;
Considérant que, compte tenu de la gravité de l’infraction commise et du bénéfice personnel réalisé par son auteur, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’affaire en infligeant une amende de 1 000 000 F à M. Y... et qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française ;
ARRÊTE :
Article 1 : M. Pierre Y... est condamné à une amende de un million de francs (1 000 000 F).
Article 2 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait et jugé en la Cour de discipline budgétaire et financière le vingt mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.
Présents : M. Joxe, Premier président de la Cour des comptes, président ; MM. Galmot et Fouquet, conseillers d’État, MM. Gastinel et Capdeboscq, conseillers maîtres à la Cour des comptes, membres de la Cour de discipline budgétaire et financière ; M. Girre, auditeur à la Cour des comptes, rapporteur.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et le greffier.
Le Président Le Greffier
Vous ne trouvez pas ce que vous cherchez ?
Demander un documentAvertissement : toutes les données présentées sont fournies directement par la DILA via son API et ne font l'objet d'aucun traitement ni d'aucune garantie.