COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 27/02/2020
COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt d'appel - 27/02/2020
Hôpital local de Bonnétable (Sarthe) - Appel d'un jugement de la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire - n° S-2020-0240
La Cour,
Vu la requête enregistrée le 8 août 2019 au greffe de la chambre régionale des comptes Pays de la Loire, par laquelle Mme X, comptable de l’hôpital local de Bonnétable, a élevé appel du jugement n° 2019-005 du 28 mai 2019 par lequel ladite chambre régionale l’a, notamment, constituée débitrice des sommes de 1 756,02 € (charge n° 2) et 16 426,56 € (charge n° 8) ;
Vu les pièces de la procédure suivie en première instance, et notamment le réquisitoire n° 2018-12 du 11 septembre 2018 du procureur financier près la chambre régionale des comptes Pays de la Loire ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
Vu le rapport de M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions de la Procureure générale n° 028 du 16 janvier 2020 ;
Entendu lors de l’audience publique du 23 janvier 2020, M. Patrick BONNAUD, conseiller maître, en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître, réviseure, en ses observations ;
1. Attendu que, par le jugement entrepris, la chambre régionale des comptes Pays de la Loire a, notamment, constitué Mme X débitrice des sommes de 1 756,02 € (charge n° 2) et 16 426,56 € (charge n° 8), pour avoir, en ce qui concerne la charge n° 2, manqué à son obligation de diligence dans le recouvrement de divers titres de recettes, causant ainsi la perte desdites recettes et, en ce qui concerne la charge n° 8, accepté de prendre en charge des mandats d’annulation de divers titres de recettes sans disposer, pour chacun de ces titres, de la justification desdites annulations, manquant ainsi à son obligation de contrôle de la validité de la créance et de la régularité des annulations ;
2. Attendu que l’appelante demande, en ce qui concerne la charge n° 2, l’infirmation du jugement, en l’absence de manquement, et, en ce qui concerne la charge n° 8, l’infirmation du jugement, en l’absence de manquement, ou, subsidiairement, l’infirmation des dispositions du jugement qui sont relatives au préjudice financier entraîné par ce manquement ;
Sur la charge n° 2
3. Attendu que l’appelante fait valoir qu’elle avait omis, au cours de l’instruction de première instance, de produire les pièces justifiant d’une relance manuelle qu’elle avait effectuée en novembre 2012 ; qu’elle estime que ces pièces établissent une absence de manquement de sa part ;
4. Attendu que l’appelante produit un justificatif d’envoi en recommandé avec accusé de réception au débiteur des titres en cause, daté du 27 décembre 2012, une lettre de mise en demeure de la même date, portant sur une somme totale de 5 158,50 €, somme justifiée par une liste de titres, au nombre desquels figurent les titres en cause ; qu’elle allègue que ces documents sont ceux adressés par l’envoi recommandé ;
5. Attendu, cependant, que la requérante produit la preuve du dépôt de l’envoi en recommandé mais non la preuve de sa réception par le débiteur ; que seule la réception par le destinataire emporte notification, donc interruption de la prescription ; qu’à défaut de cette preuve, c’est à bon droit que la chambre régionale des comptes Pays de la Loire a jugé que les titres étaient devenus irrécouvrables pendant la gestion de Mme X ; que cette production complémentaire est donc inopérante et que le moyen doit être rejeté ;
Sur la charge n° 8
6. Attendu que l’appelante soutient que, si elle a accepté de prendre en charge des mandats d’annulation de titres de recette sans disposer « au sens strict » de la pièce justificative prévue par la nomenclature applicable instituée par l’article D.1617-19 du code général des collectivités territoriales (annexe I, rubrique 142), soit, pour chaque titre annulé ou réduit, un état précisant l'erreur commise, elle n’en disposait pas moins, au moment de la prise en charge des mandats d’annulation, de justifications suffisantes ;
7. Attendu que sont concernés les mandats 2579, 2580, 2581, 2582, émis en 2013 ; que le mandat 2579 porte annulation de 4 titres de 2007 (462, 463, 476, 490) ; que le mandat 2580 porte annulation de 26 titres de 2008 (23, 27, 32, 33, 64, 72, 98, 104, 108, 115, 116, 125, 132, 166, 194, 212, 256, 276, 279, 297, 314, 333, 337, 399,427, 465 ) ; que le mandat 2581 porte annulation de 31 titres de 2009 (28, 29, 33, 43, 44, 50, 73, 74, 84, 100, 116, 127, 136, 137, 142,157, 163, 167, 187, 243, 255, 274, 285, 289, 291, 299, 327, 385, 410, 454, , 508 ) ; que le mandat 2582 porte annulation de 6 titres de 2010 ( 26, 44, 292, 346, 364, 399 ) ; que tous ces titres avaient été émis à l’encontre de la société GROUPAMA ;
8. Attendu que Mme X a produit à l’appui de sa requête un envoi en recommandé avec accusé de réception du 18 décembre 2012 mettant GROUPAMA en demeure d’acquitter les titres précités de 2007 (462, 463, 476, 490), de 2008 (23, 27, 32, 33, 64, 72, 98, 104, 108, 115, 116, 125, 132, 276, 279, 297, 314, 333, 337, 399, 427, 465), de 2009 (28, 29, 43, 44, 50, 73, 74, 84, 100, 116, 127, 136, 137, 142, 157, 163, 167, 187, 243, 255, 274, 285, 289, 291, 299, 327, 33, 385, 410, 454, 508) et de 2010 (26, 44, 292, 346, 364, 399) ;
9. Attendu que GROUPAMA a répondu par lettre recommandée du 3 janvier 2013 que certains des patients concernés lui étaient inconnus (titres 2008-108, 2008-132, 2008-279, 2009-100, 127, 157, 255, 285, 291), qu’un titre avait été acquitté par la MSA du Mans (titre 2007-463), qu’un titre pouvait être réglé (titre 2009-33) et que les autres concernaient des forfaits journaliers qui ne sont pas pris en charge par GROUPAMA et devaient être acquittés par les patients eux-mêmes ;
10. Attendu que, par courriel du 24 juin 2013, la comptable a envoyé à l’hôpital un message assorti d’un tableau reprenant les titres émis à l’encontre de GROUPAMA dont le règlement n’incombait pas à cette société et demandé leur annulation ; que, par courriel du 22 novembre 2013, l’hôpital lui a répondu que les titres de 2007 à 2011 ont été annulés et réémis ;
11. Attendu qu’il résulte de ce qui précède, notamment des échanges entre la comptable et GROUPAMA et entre la comptable et l’ordonnateur, validés par les mandats d’annulation émis par l’ordonnateur, que de nombreux titres émis à l’encontre de GROUPAMA auraient dû être émis à l’encontre des patients eux-mêmes ; que cette erreur sur le débiteur constitue un motif d’annulation des titres en cause ; qu’à la date de prise en charge des mandats d’annulation relatifs à ces titres, la comptable disposait donc, puisqu’elle se trouvait à l’origine de ces différents échanges, des éléments nécessaires à la justification de leur annulation, à savoir de la nature de l’erreur commise pour chacun des titres, comme prévu par la nomenclature applicable à l’établissement ;
12. Attendu que les quatre mandats qui font l’objet de la huitième charge comprenant en majorité, voire en totalité, des titres dont l’annulation était ainsi justifiée, il y a lieu d’infirmer le jugement prononcé par la chambre régionale des comptes Pays de la Loire en ce qui concerne ladite charge ; que, par l’effet dévolutif de l’appel, la Cour doit ensuite examiner, pour chacun des mandats d’annulation, si l’annulation des titres en cause était ou non justifiée ;
13. Attendu, s’agissant du mandat d’annulation 2579, d’un montant total de 768 €, que tous les titres, à l’exception d’un seul, étaient affectés d’une erreur portant sur le véritable débiteur et que leur annulation était donc justifiée ; que, pour ce qui est du titre 2007-463 d’un montant de 112 €, il a été acquitté par la MSA pour le compte de GROUPAMA ; que, du fait de ce recouvrement, il n’y a aucun manquant en caisse et qu’il en résulte que l’annulation du titre est sans conséquence sur la responsabilité de la comptable ; qu’aucun manquement ne doit donc être retenu à l’encontre de la comptable pour le mandat 2579 ;
14. Attendu, en ce qui concerne le mandat d’annulation 2580, d’un montant de 6 500,80 €, que l’ensemble des titres pour lesquels la comptable a adressé une mise en demeure à GROUPAMA étaient affectés d’une erreur sur le débiteur et que leur annulation était donc justifiée ; que toutefois la mise en demeure adressée à GROUPAMA ne mentionnait pas les titres 2008-166, d’un montant de 480 €, 2008-194, d’un montant de 80 €, 2008-212, d’un montant de 192 € et 2008-256, d’un montant de 448 € ; qu’il n’a donc pas été établi, par la réponse de GROUPAMA, qu’une erreur sur le débiteur affectait ces titres ; que la comptable a donc commis un manquement en prenant en charge le mandat d’annulation pour lesdits titres ; que l’annulation non justifiée d’un titre dont il n’est pas prouvé qu’il a été réémis par ailleurs cause un préjudice financier à l’organisme public créancier ; que, s’agissant du titre 2008-256, il concerne une patiente dont GROUPAMA a indiqué dans sa réponse qu’elle n’était pas sa cliente, celle-ci faisant en effet l’objet de la mise en demeure pour un autre titre ; que l’erreur de débiteur était donc également justifiée pour ce titre ; que la comptable avait bien, à la suite de cette réponse, demandé l’annulation dudit titre et sa réémission à destination de la patiente ; qu’il résulte de ce qui précède que la comptable a commis un manquement pour les seuls titres 2008-166, 2008-194, et 2008-212, et que ce manquement a causé à l’hôpital un préjudice financier de 752 € ;
15. Attendu, en ce qui concerne le mandat d’annulation 2581, d’un montant de 6 304 €, qu’aucune erreur affectant l’émission du titre 2009-33, d’un montant de 352 €, n’a été établie ; que son annulation n’était donc pas justifiée ; qu’en revanche, les autres titres annulés étant affectés d’une erreur sur le débiteur, leur annulation était justifiée ; qu’il y a donc lieu de retenir un manquement pour le seul titre 2009-33, ce manquement, en l’absence de preuve de recouvrement de la somme due, ayant causé à l’hôpital un préjudice financier de 352 € ;
16. Attendu, s’agissant du mandat d’annulation 2582, d’un montant total de 2 853,76 €, que tous les titres étaient affectés d’une erreur sur le débiteur ; que leur annulation était donc fondée et qu’il n’y a pas lieu à retenir un manquement à l’encontre de la comptable ;
17. Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de constituer Mme X débitrice envers l’établissement d’une somme de 1 104 €, majorée des intérêts de droit à compter de la date de notification à cette comptable du réquisitoire susvisé du procureur financier, soit du 19 septembre 2018 ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1 er - Le jugement n° 2019-005 du 28 mai 2019 de la chambre régionale des comptes Pays de la Loire est infirmé en ses dispositions relatives à la charge n° 8 qui constituent Mme X débitrice d’une somme de 16 426,56 €.
Article 2 – Au titre de l’année 2013, Mme X est constituée débitrice envers l’hôpital local de Bonnétable pour la somme de 1 104 €, augmentée des intérêts de droit à compter du
19 septembre 2018 (charge n° 8).
Article 3 – La requête est rejetée pour le surplus.
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Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents :
M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de séance, MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ et Yves ROLLAND, conseillers maîtres, Mmes Dominique DUJOLS et Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS, conseillères maîtres.
En présence de Mme Marie-Hélène PARIS-VARIN, greffière de séance.
Marie-Hélène PARIS-VARIN
Jean-Yves BERTUCCI
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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