COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt - 18/07/2019
COUR DES COMPTES - Quatrième Chambre - Arrêt - 18/07/2019
Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) - Exercices 2012 à 2014 - n° S-2019-1777
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2017-52 RQ-DB du Procureur général près la Cour des comptes en date du 16 novembre 2017, relatif aux comptes des exercices 2012 à 2014 de l’Agence de traitement automatisé des infractions (ANTAI) rendus par MM. X, comptable du 1 er janvier 2012 au 1 er septembre 2013, et Y, comptable à compter du 2 septembre 2013 ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, applicable à l’exercice 2012, et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, applicable aux exercices 2013 et 2014 ;
Vu décret n° 2011-348 du 29 mars 2011 portant création de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions ;
Vu l’arrêté du 29 mars 2011 relatif aux modalités d'exercice du contrôle financier sur l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions ;
Vu le rapport de Mme Marie-Aimée GASPARI, conseillère référendaire, chargée de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 367 de la Procureure générale du 17 juin 2019 ;
Entendues, lors de l’audience publique du 27 juin 2019, Mme Marie-Aimée GASPARI, en son rapport, Mme Loguivy ROCHE, avocate générale, en les conclusions du ministère public, les autres parties, informées de l’audience, n’étant ni présentes, ni représentées ;
Après avoir entendu en délibéré, M. Olivier ORTIZ, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la charge unique
1. Attendu que par réquisitoire susvisé du 16 novembre 2017, le Procureur général a saisi la Cour d’une charge unique aux fins de voir mise en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. X et Y, comptables successifs de l’Agence de traitement automatisé des infractions, pour avoir procédé, au cours des exercices 2012, 2013 et 2014, au paiement de 53 mandats d’un montant total de 4 883 002,69 €, en exécution de 9 bons commande se rapportant au marché de traitement automatisé des infractions n° 01-2011 CNT3, sans que les pièces d’engagement de la dépense n’aient été préalablement soumises au visa du contrôleur financier ;
2. Attendu qu’en vertu des dispositions du 2 ème alinéa du I de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière […] de dépenses […] dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; qu’en application de l’article 12-B du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé en vigueur au cours de l’exercice 2012, les comptables sont notamment tenus d’exercer le contrôle de la validité de la créance ; qu’aux termes de l’article 13 de ce même décret, le contrôle de la validité de la créance porte notamment sur l’intervention préalable des contrôles règlementaires, la production des justifications et l’existence du visa des membres du corps de contrôle général économique et financier sur les engagements et les ordonnancements émis par les ordonnateurs principaux ; qu’aux termes de l’article 37 de ce même décret, « lorsqu’à l’occasion de l’exercice du contrôle prévu à l’article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l’ordonnateur » ; qu’en ce qui concerne les exercices 2013 et 2014, aux termes des articles 17 et 18 du décret susvisé n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et des contrôles qui leur incombent » ; qu’aux termes de l’article 19 de ce même décret, les comptables sont tenus d’exercer le contrôle de la validité de la dette ; qu’aux termes de l’article 20 de ce même décret, le contrôle de la validité de la dette porte notamment sur l’intervention des contrôles préalables prescrits par la règlementation, l’existence du visa ou de l’avis préalable du contrôleur budgétaire sur les engagements et la production des pièces justificatives ; qu’aux termes de l’article 38 de ce même décret, lorsque « le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l’ordonnateur » ;
Sur le manquement
3. Attendu que, selon le ministère public, la responsabilité de MM. X et Y est susceptible d’être engagée pour avoir payé, au cours des exercices 2012 à 2014, 53 mandats pris en exécution de 9 bons de commande, émis entre le 4 janvier 2012 et le 30 octobre 2012, sur lesquels ne figurait pas le visa du contrôleur financier ; que les paiements réalisés par MM. X et Y se rapportent aux exercices 2012 (3 142 158,62 €), 2013 (1 730 608,55 €) et 2014 (10 235,62 €) ;
4. Attendu que MM. X et Y, qui ont produit le même mémoire, soutiennent à titre principal que les paiements litigieux ne sont pas entachés d’irrégularité au motif que le contrôleur financier n’a pas fixé de seuil de visa préalable pour les commandes de l’ANTAI avant le 21 décembre 2012, et ce malgré une demande explicite en ce sens du directeur de l’établissement formalisée le 14 décembre 2011 ; que la note du contrôleur financier adressée le 8 novembre 2011 à l’ordonnateur, dans laquelle celui-ci mentionne que les bons de commande du marché CNT3 devront lui être soumis pour visa sans distinction de seuil, ne saurait être regardée comme fixant un seuil de visa au premier euro ; qu’en l’absence de décision formelle du contrôleur financier, l’ANTAI a appliqué le seuil de visa de 2 M€ retenu par le ministère de l’intérieur ; qu’au demeurant, le contrat d’objectif et de performance de l’établissement pour la période 2012-2016, soumis au conseil d’administration le 28 mars 2012, conseil auquel assistait le contrôleur financier, prévoit que le seuil de visa des bons de commande de ce marché est fixé à 2 M€ ;
5. Attendu que l’article 5.2 de l’arrêté du 29 mars 2011 relatif aux modalités d'exercice du contrôle financier sur l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions prévoit que : « Sont soumis au visa du contrôleur selon des seuils et des modalités qu’il fixe après consultation de l’agence […] les contrats, conventions, baux, marchés ou commandes […] » ; que ces dispositions offrent au contrôleur financier une certaine latitude dans la détermination des conditions d’exercice de son contrôle ; que, s’agissant plus précisément du marché CNT3, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a indiqué à l’ordonnateur, par note du 8 novembre 2011, que « les bons de commande afférents sont (…) soumis à visa dès lors qu'ils mentionnent des éléments financiers et entraînent un engagement ferme de l’État. » ; que dans ces conditions, les comptables ne sauraient soutenir qu’aucun seuil de visa n’a été fixé par le contrôleur financier avant sa note du 21 décembre 2012 ; qu’ils ne sauraient davantage prétendre avoir appliqué, à compter du 28 mars 2012, le seuil de visa de 2 M€ retenu habituellement par le ministère de l’intérieur et figurant au contrat d’objectif et de performance de l’établissement pour 2012-2016 ; que les textes applicables à l’établissement prévoient explicitement qu’il appartient au CBCM de fixer les seuils et les modalités de contrôle ; qu’ainsi, l’ordonnateur et le ministère ne sauraient, de leur propre initiative, se substituer au CBCM en fixant le seuil et les modalités du contrôle de ce dernier par le biais d’un contrat d’objectifs et de performance, dont le CBCM n’est pas signataire ; qu’en conséquence, il appartenait aux comptables de suspendre le paiement des 53 mandats litigieux jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires prouvant l’intervention dans les conditions réglementaires du contrôle financier applicable à l’établissement ; qu’ainsi, ils ont manqué à leurs obligations de contrôle et que leur responsabilité personnelle et pécuniaire doit être engagée au titre de ces paiements ;
Sur le préjudice financier
6. Attendu qu’à titre subsidiaire, les comptables font valoir que les manquements imputés ne sauraient avoir causé un quelconque préjudice financier à l’établissement dès lors que la dépense était due en exécution d’un marché public dont la conclusion a été approuvée par le conseil d’administration ; qu’ils ajoutent que les prestations commandées ont bien été réalisées et qu’enfin, ils rappellent que la Cour a d’ores et déjà été amenée à considérer que le paiement de mandats en l’absence de visa du contrôleur financier constituait un manquement sans préjudice ; que dans ces conditions, ils sollicitent que soit prononcée une seule somme non rémissible, « la moins importante possible » ;
7. Attendu que les manquements des comptables portent sur l’absence de visa du contrôleur financier au titre de paiements réalisés au cours des exercices 2012, 2013 et 2014 ; que la dépense était due en exécution d’un marché public dont la conclusion a été approuvée par le conseil d’administration de l’établissement et que les prestations commandées ont bien été réalisées ; qu’ainsi, ces manquements n’ont pas causé de préjudice financier à l’ANTAI ; qu’il convient dès lors de faire application du 2 ème alinéa de l’article 60-VI de la loi du 23 février 1963 et de l’article 1er du décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 ;
8. Attendu que le cautionnement du poste comptable s’établissait en l’espèce à 199 600 € jusqu’au 1 er juillet 2014 et que le dernier paiement irrégulier est intervenu en avril 2014 ; que le montant maximum de la somme non rémissible susceptible d’être mise à la charge de chaque comptable par exercice peut, pour un ensemble de paiements comportant un manquement identique, s’élever à un millième et demi du montant dudit cautionnement, soit à 299 € ; que s’ils sollicitent que la somme non rémissible soit la plus faible possible, les deux comptables n’invoquent aucune circonstance particulière justifiant en l’espèce une modulation de celle-ci ;
9. Attendu qu’il convient donc de fixer la somme non rémissible mise à la charge de M. X et de M. Y à son maximum, soit 299 € par exercice ; qu’il résulte de ce qui précède que M. X devra s’acquitter de deux sommes non rémissibles d’un montant unitaire de 299 € au titre des paiements qu’il a effectués au cours des exercices 2012 et 2013 et M. Y, de deux sommes non rémissibles d’un montant unitaire de 299 €, au titre des paiements qu’il a effectués au cours des exercices 2013 et 2014 ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1 er - M. X devra s’acquitter, au titre des exercices 2012 et de 2013, de deux sommes de 299 €, soit un montant total de 598 €, en application du deuxième alinéa de l’article 60‑VI de la loi du 23 février 1963.
Ces sommes ne peuvent faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu de l’article 60‑IX de la loi précitée.
Article 2 - M. Y devra s’acquitter, au titre des exercices 2013 et de 2014, de deux sommes de 299 €, soit un montant total de 598 €, en application du deuxième alinéa de l’article 60‑VI de la loi du 23 février 1963.
Ces sommes ne peuvent faire l’objet d’une remise gracieuse en vertu de l’article 60‑IX de la loi précitée.
Article 3 – MM. X et Y ne pourront être déchargés de leurs gestions respectives qu’après apurement des sommes mentionnées aux articles 1 er et 2.
Fait et jugé en la Cour des comptes, quatrième chambre, première section. Présents : M. Jean-Yves BERTUCCI, président de section, président de séance, Mme Catherine DEMIER, conseillère maître, MM. Denis BERTHOMIER, Olivier ORTIZ, Yves ROLLAND conseillers maîtres, Mme Dominique DUJOLS, conseillère maître, et M. Étienne CHAMPION, conseiller maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Jean-Yves BERTUCCI
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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