COUR DES COMPTES - Deuxième Chambre - Arrêt - 17/06/2019
COUR DES COMPTES - Deuxième Chambre - Arrêt - 17/06/2019
Chambre départementale d'agriculture (CDA) de Haute-Savoie - Exercice 2012 - n° S-2019-1545
La Cour,
Vu le réquisitoire n° 2018-8 RQ-DB en date du 5 mars 2018, par lequel le Procureur général près la Cour des comptes a saisi la juridiction de charges soulevées à l’encontre de M. X, agent comptable de la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie, au titre de l’exercice 2012, notifié le 19 mars 2018 à l’agent comptable concerné ;
Vu le compte rendu en qualité de comptable de la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie par M. X, du 1 er janvier au 31 décembre 2012 ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code rural et de la pêche maritime, ainsi que les lois, décrets et règlements sur la comptabilité des établissements publics nationaux à caractère administratif et les textes spécifiques applicables aux chambres d'agriculture, notamment l’arrêté du 27 octobre 1987 portant règlement financier des chambres d’agriculture, l’instruction codificatrice M92 du 22 mai 2003 et l’instruction codificatrice M91 du 21 décembre 2010 ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique alors en vigueur ;
Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
Vu les pièces produites au cours de l’instruction, notamment les justifications en réponse au réquisitoire transmises le 28 janvier 2019 par M. X ;
Vu le rapport n° R-2019-0112 à fin d’arrêt de M. Sébastien LEPERS, conseiller référendaire, chargé de l’instruction ;
Vu les conclusions n° 265 du Procureur général du 3 mai 2019 ;
Entendu, lors de l’audience publique du 17 mai 2019, M. Sébastien LEPERS, conseiller référendaire, en son rapport, M. Serge BARICHARD, avocat général, en les conclusions du ministère public, les parties informées de l’audience n’étant présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Jacques BASSET, conseiller maître, réviseur, en ses observations ;
Sur la charge n° 1, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2012
1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la deuxième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X, au titre de l'exercice 2012, à raison de l’insuffisance, voire de l’absence de diligences en vue du recouvrement de huit créances d’un montant total de 4 047,45 €, de la prise en charge de leur annulation en l'absence des justifications requises, ainsi que de leur imputation erronée ; qu’il existerait en tout état de cause une incohérence dans le traitement de ces opérations, entre une annulation et une admission en non-valeur ; que dans ce dernier cas, la preuve du caractère irrécouvrable desdites créances n’aurait pas été apportée ;
Sur le droit applicable
2. Attendu qu’en application du I de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière de recettes, de dépenses et de patrimoine dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou manquant en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée (…) » ;
3. Attendu qu’aux termes de l’article 12 du décret susvisé du 29 décembre 1962, « Les comptables sont tenus d’exercer, en matière de recettes, le contrôle, (…) dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en recouvrement des créances de l'organisme public et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recettes » ; que l’article 152 dudit décret prévoit que « les modalités particulières du fonctionnement financier et comptable des établissements publics nationaux sont fixées par le règlement de l'établissement. Ce règlement peut prévoir des dérogations aux règles de comptabilité publique fixées à la présente partie » ;
4. Attendu que l’instruction codificatrice n° 01-100-M92 du 8 novembre 2001, modifiée par l’instruction codificatrice n° 03-032-M92 du 22 mai 2003, prise en application de l’article 152 du décret du 29 décembre 1962 et de l’article 25 de l’arrêté du 27 octobre 1987 portant règlement financier des chambres d’agriculture, prévoit notamment, en ce qui concerne la procédure d’admission en non-valeur décrite dans son titre 2 (organisation budgétaire), chapitre 6 (exécution du budget), paragraphe 4, les règles permettant de justifier les opérations des comptes 654 « Charges sur créances irrécouvrables » et 6714 « Créances devenues irrécouvrables » du plan comptable prévu à l’article D. 511-94 du code rural et de la pêche maritime : « l’agent comptable dresse chaque année l’état des créances irrécouvrables dont il demande l’admission en non-valeurs. Cet état indique la nature des produits, le nom et le domicile des débiteurs, les sommes dues par chacun d’eux et les motifs de non-recouvrement.Au vu des pièces justificatives qui y sont jointes, le président propose l’admission en non-valeurs ou le rejet. L’assemblée des élus statue sur les propositions du président » ; que ces dispositions dérogent à l’article 165 du décret susvisé du 29 décembre 1962 ;
5. Attendu que l’instruction codificatrice n° 10-031-M91 du 21 décembre 2010, applicable notamment aux chambres d’agriculture, prévoit par ailleurs, dans son tome 3, volumes 1 et 2, paragraphe 1.5.4.1, les quatre cas dans lesquels l’ordonnateur peut procéder à l’émission d’un ordre d’annulation ou de réduction de recette, notamment la régularisation d’une erreur de liquidation commise au préjudice du débiteur et la régularisation dans le fondement même de la créance ;
Sur les faits
6. Attendu que, par délibération du 29 novembre 2012, la session de la chambre d’agriculture de Haute-Savoie a voté la liste des créances irrécouvrables présentée par l’agent comptable, pour un montant total de 14 944,95 € TTC, sous l’intitulé « Délibération concernant des annulations de créances irrécouvrables » ; que cette délibération vise cependant l’article 165 du décret du 29 décembre 1962, relatif aux remises gracieuses et admissions en non-valeur ; qu’elle n’identifie pas chacune des créances concernées, mais en donne les montants globaux par pôle d’activité ;
7. Attendu que, par la suite, M. X a pris en charge, le 30 novembre 2012, à hauteur de 4 047,45 € TTC, huit mandats (n° 2658, 2665 à 2667, 2686 à 2688 et 2969), faisant référence à la délibération précitée du 29 novembre 2012, imputés pour leur montant hors taxes au compte 67182 « Charges exceptionnelles provenant de l’annulation d’ordres de recettes des exercices antérieurs » ; que les écritures comptables correspondantes font également état d’annulations ;
Sur les éléments apportés à décharge par l’agent comptable
8. Attendu que, dans son courrier susvisé du 28 janvier 2019, M. X a indiqué que les réponses qu’il avait adressées à la Cour dans le cadre de la procédure de jugement des comptes pour les exercices 2013 à 2015 de la chambre interdépartementale d’agriculture Savoie Mont-Blanc pouvaient être élargies à la présente charge, sans expliquer pourquoi, ni transmettre de pièces justificatives ;
9. Attendu que les charges examinées dans le cadre de la procédure concernant la chambre d’agriculture de Savoie Mont-Blanc ne portaient pas sur des annulations de créances et n’ont donc pas donné lieu à l’évocation de moyens susceptibles d’être transposés à la présente espèce ; que les charges concernant des créances non recouvrées et la situation du recouvrement ainsi que les diligences accomplies par le comptable ne peuvent être examinées qu’au cas par cas ; qu’en tout état de cause, les créances annulées ou admises en non-valeur par la chambre d’agriculture de Haute-Savoie au cours de l’exercice 2012 ne pouvaient apparaître dans la comptabilité de la chambre d’agriculture de Savoie Mont-Blanc au titre des exercices 2013 et suivants ; qu’il résulte de ces éléments que la réponse susmentionnée de M. X est dépourvue de portée pratique ;
Sur l’existence d’un manquement
10. Attendu que l’annulation de la créance concernant M. Y, d’un montant de 879,06 € (ordre de recette n° 3909 du 31 décembre 2008, mandat d’annulation n° 2665 du 30 novembre 2012) a été justifiée par un courrier de l’intéressé, en date du 1 er juillet 2010, joint au mandat, dans lequel il indiquait ne pas avoir été installé et avoir refusé de signer le devis présenté par la chambre d’agriculture ; qu’on peut en déduire que, comme l’a relevé le ministère public dans ses conclusions, aucune prestation n’a été exécutée par la chambre d’agriculture ou tout au moins que la créance ne reposait pas sur une base juridique certaine, aucune pièce du dossier n’attestant de l’existence d’un document contractuel engageant l’intéressé ; que dans ces conditions, il s’agirait d’une annulation pour régularisation dans le fondement même de la créance, autorisée par l’instruction M91, sur décision de l’ordonnateur, lequel est à l’origine de l’émission du mandat ; que dès lors, il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de l’agent comptable au titre des diligences de recouvrement ou de la prise en charge de l’annulation de la recette, M. X n’ayant commis aucun manquement à cet égard ;
11. Attendu que pour les autres créances, à défaut d’autre pièce justificative probante, l’ambiguïté de la délibération du 29 novembre 2012, qui évoque simultanément « l’annulation de créances irrécouvrables » et l’article 165 du décret du 29 décembre 1962, relatif aux admissions en non-valeur et aux remises gracieuses, aurait dû amener le comptable à suspendre le paiement des mandats, qui étaient imputés à un compte d’annulation alors que l’irrécouvrabilité de la créance n’est pas un motif d’annulation ;
12. Attendu qu’aucun motif valable d’annulation desdites créances n’a été invoqué par le comptable ; qu’il lui appartenait, au titre de son contrôle de la validité des annulations d’ordres de recettes, de vérifier que ces annulations entraient bien dans l’un des quatre cas prévus par la réglementation, à savoir la régularisation d’une erreur de liquidation ou d’une erreur dans le fondement même de la créance, la constatation de rabais, remises ou ristournes et enfin la transaction entre l’établissement et le débiteur, et, dans le cas contraire, de suspendre la prise en charge des mandats d’annulation ; qu’en s’abstenant de le faire, M. X a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
13. Attendu que s’il convenait d’analyser ces annulations comme des admissions en non-valeur, ce que contredit toutefois leur imputation au compte 67182 ainsi que les écritures comptables issues du logiciel Muse, l’agent comptable aurait dû s’assurer, préalablement à leur présentation à la session et à la prise en charge des mandats correspondants, du caractère irrécouvrable des créances concernées, ce qu’il n’a pas fait, puisque ses diligences se sont arrêtées à l’envoi, en juin et août 2010, d’un courrier de dernier avis informant les débiteurs de la poursuite du recouvrement de la dette par voie d’huissier, sans mettre à exécution cette dernière procédure ; que ce courrier de dernier avis n’a d’ailleurs pas été produit pour la créance émise au nom de la coopérative laitière de Val d’Arve, d’un montant de 1 113,47 € (mandat n° 2667) ; que le comptable aurait également dû s’assurer que la délibération était complète et permettait bien d’identifier chacune des créances retenues par la session, ce qui n’est pas le cas, les montants portés sur la délibération étant globaux par pôle d’activité ; que si les états joints à la délibération permettaient de s’assurer que les créances en cause étaient bien intégrées dans les montants globaux figurant sur la délibération, lesdits états, présentés à la session par l’agent comptable, n’indiquaient ni la nature des produits, ni les motifs de non-recouvrement, contrairement à ce que prévoit l’instruction M92 ; que l’admission en non-valeur, à supposer qu’elle soit établie, ne ferait pas obstacle à ce que le juge des comptes recherche la responsabilité du comptable au titre de l’insuffisance de ses diligences antérieures en vue du recouvrement ;
14. Attendu qu’en prenant en charge irrégulièrement les mandats n° 2658, 2666, 2667, 2686 à 2688 et 2969, sur la base de justifications insuffisantes voire contradictoires, M. X a manqué à ses obligations ;
15. Attendu que les diligences de M. X en vue du recouvrement des sept créances en cause, d’un montant total de 3 168,39 €, n’ont, en toute hypothèse, pas été adéquates, complètes et rapides, aucun ordre de recette revêtu de la formule exécutoire n’ayant été émis en vue de l’engagement de procédures contentieuses, alors même qu’aucune preuve n’a été apportée d’une éventuelle opposition de l’ordonnateur à l’engagement de procédures de recouvrement forcé ; qu’ainsi M. X a également manqué à ses obligations au titre du recouvrement des recettes ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
16. Attendu que le recouvrement des créances a été définitivement compromis par leur annulation, intervenue avec la prise en charge irrégulière, le 30 novembre 2012, des mandats mentionnés au point 14 ;
17. Attendu que le comptable n’a apporté aucun élément permettant de conclure que la chambre d’agriculture n’aurait pas pu être désintéressée si ses diligences avaient été adéquates, complètes et rapides, ou que la renonciation à la perception des créances était justifiée ;
18. Attendu que le manquement constaté a ainsi entraîné, pour l’établissement public, la perte de sept créances et lui a donc causé un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février susvisée, d’un montant de 3 168,39 € ;
19. Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur de la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie pour la somme de 3 168,39 € au titre de l’exercice 2012 ;
20. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 19 mars 2018, date de réception du réquisitoire par M. X ;
21. Attendu qu’il n’existait pas, pour la période considérée, de plan de contrôle sélectif de la dépense à la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie ; que cette circonstance fait obstacle à une remise gracieuse totale du débet ;
Sur la charge n° 2, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2012
22. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le Procureur général a saisi la deuxième chambre de la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X, au titre de l’exercice 2012, pour défaut de contrôle de la validité de la créance lors du versement à son profit d’une indemnité dite « de conseil budget », non prévue par la réglementation ; que cette décision aurait été prise au vu d’une délibération du bureau de la chambre d’agriculture du 14 février 1992 ; que le paiement ainsi effectué sans vérifier si l’ensemble des pièces nécessaires avaient été fournies, ni si ces pièces étaient complètes, précises et cohérentes au regard de la nature de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée, serait présomptif d’irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de l’intéressé à hauteur de 457,35 € ;
Sur le droit applicable
23. Attendu qu’en application du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses » et « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de (…) dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que leur responsabilité « se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;
24. Attendu qu’avant de régler les dépenses, les comptables sont tenus d’exercer les contrôles prévus par l’article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 susvisé, applicable jusqu’à la fin de l’exercice 2012, notamment le contrôle de la validité de la créance ; qu’en application de l’article 13 du même décret, ce contrôle porte notamment sur l’exactitude des calculs de liquidation et la production des justifications ; qu’en particulier, le comptable doit suspendre le paiement s’il n’a pas toutes les pièces justificatives requises par la réglementation ou si les pièces dont il dispose ne lui permettent pas de vérifier la liquidation de la dépense ;
25. Attendu que l’article D. 511-69 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) dispose que « pour l’exercice de leurs activités, les chambres d’agriculture peuvent constituer tous les services et instituer toutes les fonctions qu’elles jugent nécessaires à leur fonctionnement. Elles votent les traitements et indemnités afférents à ces fonctions (…) » ;
26. Attendu que l’instruction codificatrice n° 03-032-M92 du 22 mai 2003 relative à la réglementation budgétaire, financière et comptable des chambres d’agriculture et de leur assemblée permanente prévoit en son paragraphe 1.3 que c’est la session qui « crée les fonctions administratives qu'elle juge utiles et vote les traitements et indemnités afférentes à ces fonctions » ;
27. Attendu que l’article D. 511-80 du CRPM dispose que le comptable perçoit une rémunération fixée par la chambre d’agriculture, dans les limites arrêtées conjointement par le ministre de l’agriculture et le ministre du budget ;
Sur les faits
28. Attendu que M. X a pris en charge le mandat n° 2751, émis à son profit le 7 décembre 2012, au titre de l’indemnité de conseil budget ; que le décompte liquidatif joint au mandat mentionnait un montant brut de 457,35 €, correspondant à l’ensemble de la dépense payée par la chambre départementale d’agriculture, y compris les charges de CSG et CRDS ; qu’outre le décompte liquidatif, était également joint au mandat un extrait du procès-verbal du bureau en date du 14 février 1992 mentionnant l’accord de cette instance pour porter à 3 000 F l’indemnité annuelle de conseil budget servie à l’agent comptable ;
29. Attendu que le mandat précité a été imputé au compte 64253 « Indemnité de caisse et de responsabilité » , alors que cette dernière indemnité, également perçue par le comptable, avait fait l’objet du mandat n° 2750 d’un montant de 1 515,70 € ;
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
30. Attendu que, dans sa réponse susvisée du 28 janvier 2019, le comptable a confirmé qu’il acceptait la charge, mais réitéré sa bonne foi, compte tenu du fait que cette indemnité avait toujours été versée à son prédécesseur et s’appuyait sur la délibération susmentionnée du bureau de la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie en date du 14 février 1992, qui avait d’ailleurs été transmise à la Cour, et que c’est en toute bonne foi que les dispositions de cette dernière avaient été reconduites ;
Sur l’existence d’un manquement
31. Attendu qu’aucune nomenclature des pièces justificatives n’était applicable aux chambres d’agriculture au cours de l’exercice 2012 ; qu’il appartenait donc à l’agent comptable de déterminer les pièces justificatives nécessaires et pertinentes pour répondre à ses obligations de contrôle de la production des justifications et de l’exacte liquidation des dépenses ;
32. Attendu qu’il découle de l’article D. 511-69 du code rural et de la pêche maritime et de l’instruction codificatrice n° 03-032-M92 du 22 mai 2003 relative à la réglementation budgétaire, financière et comptable des chambres d’agriculture que le vote des traitements et indemnités relève de la session ; que la session de la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie n’a jamais décidé d’attribuer à l’agent comptable une indemnité de conseil budget, ni donné délégation de pouvoir au bureau pour ce faire ;
33. Attendu que le procès-verbal du bureau en date 14 février 1992, produit par M. X pour justifier le versement de l’indemnité de conseil budget à son profit, n’a nullement pris la forme d’une délibération et n’avait pour objet que de donner l’accord du bureau pour porter à 3 000 F le montant de l’indemnité servie alors à l’agent comptable ; que si ce document atteste bien que cet accord avait été donné, près de dix ans avant l’entrée en fonctions de M.X, il ne créait pas l’indemnité qui préexistait et ne se réfère à aucun texte législatif ou règlementaire ; que M. X n’a pas apporté la preuve que, lors de son recrutement, la chambre avait entendu lui allouer une telle indemnité ; qu’en tout état de cause, ladite indemnité n’était pas prévue par un texte législatif ou réglementaire, l’article D. 511-80 du CRPM disposant de manière restrictive que l’agent comptable perçoit une rémunération fixée par la chambre d’agriculture, dans les limites arrêtées conjointement par le ministre de l’agriculture et le ministre du budget ; que les seuls textes pris en application de cet article concernent l’indemnité de caisse et de responsabilité, que percevait par ailleurs M. X dans la limite autorisée, et l’indemnité pour rémunération de services allouée aux agents comptables lorsque ces fonctions ne constituent pas l’activité principale des intéressés ;
34. Attendu qu’il résulte de ces éléments que le versement de l’indemnité de conseil budget par la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie à son agent comptable était dépourvu de fondement juridique ;
35. Attendu qu’en payant l’indemnité en cause sans s’assurer que les pièces justificatives produites par l’ordonnateur étaient complètes, précises et cohérentes au regard de la nature de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée, le comptable a manqué à ses obligations en matière de contrôle de la dépense et a ainsi engagé sa responsabilité au titre du I de l’article 60 susvisé de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
36. Attendu que la bonne foi invoquée par l’agent comptable, de même que l’antériorité de la pratique ayant conduit à verser une indemnité de conseil budget aux agents comptables successifs de la chambre, ne sont pas de nature à faire obstacle à l’engagement de la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X, cette responsabilité s’appréciant, en dépense, à l’occasion de chaque paiement opéré ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
37. Attendu qu’un paiement irrégulier n’entraîne pas de préjudice pour l’organisme public lorsqu’il correspond à une dette exigible (échue, certaine, liquide, non sérieusement contestée dans son principe ou dans son montant) de cet organisme ; que dans le cas d’espèce, la dette n’était pas attestée dans son principe, faute de délibération de la session de la chambre départementale et de base législative ou réglementaire ; que le paiement de l’indemnité de conseil budget n’était donc pas dû et a causé de ce fait à la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie un préjudice financier, au sens des dispositions du troisième alinéa du VI de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 ;
38. Attendu qu’aux termes du même article, « lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur de la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie pour la somme de 457,35 € au titre de l’exercice 2012 ;
39. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; qu’en l’espèce, cette date est le 19 mars 2018, date de réception du réquisitoire par M. X ;
40. Attendu qu’il n’existait pas, pour la période considérée, de plan de contrôle sélectif de la dépense à la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie ; que cette circonstance fait obstacle à une remise gracieuse totale du débet ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Au titre de l’exercice 2012 (charge n° 1)
Article 1 er . – M. X est constitué débiteur de la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie pour la somme de 3 168,39 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 19 mars 2018.
Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
Au titre de l’exercice 2012 (charge n° 2)
Article 2. – M. X est constitué débiteur de la chambre départementale d’agriculture de Haute-Savoie pour la somme de 457,35 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 19 mars 2018.
Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.
Article 3. – La décharge de M. X pour sa gestion au titre de l’exercice 2012 ne pourra être donnée qu’après apurement des débets fixés ci-dessus.
Fait et jugé en la Cour des comptes, deuxième chambre, quatrième section. Présents : M. Louis VALLERNAUD, président de section, président de la formation, MM. Gilles MILLER et Jacques BASSET, conseillers maîtres, Mme Michèle COUDURIER, conseillère maître, MM. Pierre ROCCA et Paul DE PUYLAROQUE, conseillers maîtres et Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître.
En présence de M. Aurélien LEFEBVRE, greffier de séance.
Aurélien LEFEBVRE
Louis VALLERNAUD
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt ou d’une ordonnance peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.
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