CRTC. CRC Basse-Normandie Haute-Normandie. Jugement. 08/07/2014
CRTC. CRC Basse-Normandie Haute-Normandie. Jugement. 08/07/2014
Etablissement hospitalier public - Hopital local d'Orbec - Orbec (Calvados). n° 2014-0011
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA CHAMBRE,
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de l’hôpital local d’Orbec pour l’exercice 2009, par M. Philippe X... du 1er janvier au 31 décembre 2009 ;
Vu les justifications produites au soutien des comptes ou recueillies au cours de l’instruction ; Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu l’article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
Vu le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 modifié, portant règlement général sur la comptabilité publique alors applicable ;
Vu les lois et règlements relatifs à la comptabilité des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;
Vu le réquisitoire n° 2013-028 du 20 septembre 2013 du procureur financier, enregistré au greffe le 23 septembre 2013 ;
Vu la décision du président du 23 septembre 2013, désignant M. Gilles Bizeul, président de section, en qualité de rapporteur de l’instance ouverte par le réquisitoire ;
Vu les lettres du 24 septembre 2013 par lesquelles le réquisitoire a été notifié à M. Jean- Jacques Y..., directeur de l’établissement public médico-social (EPMS) « Marie du Merle » d’Orbec (ex-hôpital local), en sa qualité d’ordonnateur, et M. Philippe X..., comptable concerné ;
Vu l’accusé de réception de la notification du réquisitoire par M. Jean-Jacques Y..., en date du 25 septembre 2013, et par M. Philippe X..., en date du 27 septembre 2013 ;
Vu la réponse de M. Philippe X... par courriel en date du 23 octobre 2013, enregistrée au greffe le même jour ;
Vu la réponse de M. Jean-Jacques Y... en date du 18 novembre 2013, enregistrée au greffe le 21 novembre 2013 ;
Vu le rapport n° 2014-0076 à fin de décision juridictionnelle, enregistré au greffe le 21 mai 2014, et les conclusions n° 2014-0076 du procureur financier du 6 juin 2014 ;
Vu les lettres recommandées du 23 mai 2014 informant les parties de la clôture de l’instruction et de l’audience publique ;
Entendu en audience publique du 26 juin 2014 :
- M. Gilles Bizeul, en son rapport ;
- M. Fabrice Navez, procureur financier, en ses conclusions ;
En l’absence de l’ordonnateur et du comptable concerné ;
Délibéré le 26 juin 2014 hors la présence du rapporteur et du procureur financier ; Lu en audience publique le 8 juillet 2014 ;
ORDONNE CE QUI SUIT
Sur la charge unique relative au paiement en 2009 d’heures complémentaires au directeur de l’établissement
· Sur le fondement de la charge présumée
Attendu que par le réquisitoire susvisé, le Ministère public fait grief à M. Philippe X... d’avoir procédé au cours de l’exercice 2009, par mandat n°944 du 20 novembre 2009, au paiement de 98 heures complémentaires pour un montant total de 1 842,40 euros au bénéfice de M. Alain Z..., alors directeur de l’établissement ;
Attendu qu’a l’appui de cette dépense, le comptable ne disposait que d’une « attestation de décompte certifié de congés dus et non pris » signée du directeur de l’établissement ; que cette attestation ne comportait aucune référence aux textes réglementaires justifiant de ce paiement et que, par ailleurs, aucun élément ne permettait au comptable de s’assurer de la validité de la créance et de contrôler les éléments de sa liquidation ; qu’ainsi, le comptable aurait commis un manquement de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu que le comptable et l’actuel ordonnateur de l’établissement ont été invités à justifier dudit paiement ;
Attendu que le comptable a indiqué dans sa réponse qu’il n’a « ni observation, ni remarque à formuler sur la présomption de charge » émise à son encontre par le réquisitoire du procureur financier ;
Attendu que l’ordonnateur a indiqué dans sa réponse, appuyée de plusieurs documents, que M. Z..., alors directeur de l’établissement, titulaire de classe normale à temps plein, entrait de fait dans le régime statutaire et indemnitaire de la fonction publique hospitalière et qu’il bénéficiait ainsi, en sa qualité de cadre A, du système forfaitaire de 20 jours au titre de la réduction du temps de travail (RTT), compensant le dispositif des 35 heures et interdisant de fait le principe de récupération d’heures réalisées au-delà des 35 heures hebdomadaires ; qu’ainsi,« au regard de ces éléments, je ne vois pas comment justifier le principe même d’heures complémentaires ni d’heures supplémentaires. Encore moins, le volume de 98 heures dont je n’ai pas trouvé l’éventuelle origine » ;
Attendu qu’en vertu des dispositions de l’article 60-I de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifié, « la responsabilité personnelle et pécuniaire [des comptables publics] se trouve engagée dès lors [.....] qu'une dépense a été irrégulièrement payée » et des dispositions des articles 12 et 13 du décret n°62-1587 du 29 décembre 1962, « les comptables sont tenus d’exercer […] en matière de dépenses, le contrôle […] de la validité de la créance » et « qu’en ce qui concerne lavalidité de la créance, le contrôle porte sur […] la production des justifications » ;
Attendu que pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent, notamment, comme l’a rappelé le conseil d’Etat dans son arrêt « CCAS de Polaincourt », « (…) exercer leur contrôle sur la production des justifications ; qu’à ce titre, il leur revient d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée ; que pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable et de la nature et de l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée ; (…) qu’enfin, lorsque les pièces justificatives fournies sont insuffisantes pour établir la validité de la créance, il appartient aux comptables de suspendre le paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 4 du décret n° 2 002-8 du 4 janvier 2002, relatif aux congés annuels des agents des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, «Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice » ; que des exceptions à ce principe général sont toutefois prévues, en cas de perte d’emploi ou d’indemnisation de jours placés sur un compte épargne temps (CET) ;
Attendu que le comptable a payé un montant de 1 842,40 euros au bénéfice de M. Z..., alors directeur d’établissement titulaire, au vu du bulletin de paie de novembre 2009 de l’intéressé qui mentionnait 98 heures « complémentaires » au taux de 18,80 euros et d’une « attestation de décompte certifié de congés dus et non pris » signée par l’intéressé, en date du 20 novembre 2009 ; que cette attestation mentionne « un reliquat de 14 jours de congés dus au titre de la fonction publique hospitalière, et non pris du fait de l’administration liquidant l’indemnité de congéspayés qui en résulte » ;
Attendu que si la liste des pièces justificatives figurant à l’annexe I du CGCT citée à l’article D. 1617-19 du même code prévoit bien pour les établissements publics de santé (EPS) et les établissements publics médico-sociaux (EPMS) à la sous-rubrique 2233 « Indemnités compensatrices de congés non pris », la production d’un décompte certifié, détaillant le nombre de jours de congés dus et non pris du fait de l’administration liquidant l’indemnité de congés payés qui en résulte, cette pièce justificative n’est requise que dans le cadre de l’indemnisation d’une perte d’emploi qui ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce, M. Z... n’étant pas en situation de perte d’emploi en novembre 2009, comme en atteste son bulletin de salaire ; qu’ainsi le comptable ne disposait pas de la pièce justificative adéquate ;
Attendu par ailleurs qu’il revenait au comptable de contrôler la liquidation de la somme de 1 842,40 euros inscrite sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2009 de M. Z... au titre d’heures complémentaires, payée sur la base de 98 heures au taux de 18,80 euros ; que M. Z..., occupant un emploi à temps complet, ne pouvait bénéficier d’heures complémentaires ; que le comptable aurait dû relever cette incohérence ; que de surcroît, il ne pouvait vérifier l’exactitude des calculs de liquidation, ne disposant d’aucune information ni sur le bien-fondé de la quotité retenue de 98 heures ni sur la détermination du taux de 18,80 € ;
Attendu dès lors que, face à des pièces incohérentes et devant l’impossibilité pour lui d’exercer ses contrôles de la validité de la créance et des calculs de liquidation, le comptable aurait dû suspendre le paiement et en informer l’ordonnateur ; que faute de l’avoir fait, il a commis un manquement qui engage sa responsabilité personnelle et pécuniaire sur le fondement des dispositions de l’article 60-I de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifié ;
· Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 60 VI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifié, « […] Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ;
Attendu que le comptable et l’actuel ordonnateur ont été appelés à faire valoir leur point de vue quant à l’existence d’un préjudice financier pour l’établissement consécutif au manquement précédemment évoqué ; que le comptable a indiqué : « Dans le cadre de l’instruction de ce réquisitoire, je vous informe (…) que je ne peux démontrer l’absence de préjudice financier à l’établissement. (…) » et que l’ordonnateur a indiqué : « (…) En tout état de cause, sans présumer de la responsabilité du comptable public, l’établissement a bien évidemment subi un préjudice financier du montant de ladite somme [1 842,40 €] qui a été soustraite du résultat comptable de l’exercice concerné » ;
Attendu qu’un préjudice financier résulte d’une perte provoquée par une opération de décaissement ou un défaut de recouvrement d’une recette, donnant ainsi lieu à une constatation dans la comptabilité de l’organisme et se traduisant par un appauvrissement patrimonial de la personne publique non recherché par cette dernière ;
Attendu qu’en procédant à un paiement irrégulier, le comptable a causé un appauvrissement patrimonial de l’établissement, non recherché par ce dernier ; qu’ainsi, l’établissement a subi un préjudice financier en lien direct avec le manquement du comptable et qu’il y a donc lieu de constituer M. Philippe X... débiteur de la somme de 1 842,40 euros ;
· Sur le respect des règles du contrôle sélectif des dépenses
Attendu qu’aux termes de l’article 60 IX de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifié : « Les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au troisième alinéa du VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget laremise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif desdépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée » ;
Attendu qu’interrogé par la chambre, le comptable a indiqué « qu’il n’y avait pas pour l’exercice de plan de contrôle sélectif des dépenses de salaires » ; qu’en l’absence d’un tel plan, il devait procéder à une vérification exhaustive des bulletins de paie des agents ; que s’il lui était impossible de bloquer la paie de tous les agents, il aurait dû utiliser le contrôle a posteriori, permettant si nécessaire de faire émettre par l’ordonnateur un ordre de reversement pour la somme irrégulièrement payée ; qu’en conséquence, aucune éventuelle remise gracieuse totale ne pourra être accordée ;
· Sur les intérêts du débet
Attendu qu’en application des dispositions du VIII de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifié, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le réquisitoire introductif d’instance prévu aux articles L. 242-1-III et R. 241-34 du code des juridictions financières a été notifié le 27 septembre 2013 à M. Philippe X... ; qu’en conséquence, le débet portera intérêts à compter de cette date ;
PAR CES MOTIFS,
Article premier : M. Philippe X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire à raison du paiement d’heures complémentaires pour un montant de 1 842,40 euros ;
Article 2 : le paiement visé à l’article premier ayant causé un préjudice à l’établissement, M. Philippe X... est déclaré débiteur de la somme de mille huit cent quarante-deux euros et quarante centimes (1 842,40 euros) envers l’Etablissement public médico-social (EPMS) « Marie du Merle » d’Orbec (ex-hôpital local), majorée des intérêts de droit à compter du 27 septembre 2013, date de réception par l’intéressé du réquisitoire ;
Article 3 : il est sursis à la décharge de M. Philippe X... pour sa gestion au titre de l’exercice 2009.
Fait et jugé en audience publique le 26 juin 2014, et lu en audience publique à la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie le 8 juillet 2014 par M. Frédéric Advielle, président, président de séance, MM. Philippe Boëton et Alain Slama, magistrats.
La greffière-adjointe, Le président,
Véronique LEFAIVRE Frédéric ADVIELLE
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
CONDITIONS D'APPEL :
Code des juridictions financières – article R. 242-14 et suivants : « Les jugements rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes » (…) – article R. 242-18 « L’appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. »
Collationné, certifié conforme à la minute étant au Greffe de la Chambre et délivré par moi Secrétaire Général
Christian QUILLE
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