Conseil Constitutionnel, Décision 2025-1146 QPC - 11 juillet 2025

Conseil Constitutionnel, Décision 2025-1146 QPC - 11 juillet 2025

M. Janick D. [Détermination du montant de la pension de retraite d’un fonctionnaire ayant été reclassé dans le cadre d’une réforme statutaire] - Conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 17 avril 2025 par le Conseil d’État (décision n° 493339 du même jour), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour M. Janick D. par la SAS Hannotin avocats, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2025-1146 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction résultant de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Au vu des textes suivants :

- la Constitution ;

- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;

- les décisions du Conseil d’État nos 475472 et 475481 du 20 décembre 2024 ;

- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

- les observations présentées pour le requérant par la SAS Hannotin avocats, enregistrées le 6 mai 2025 ;

- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 7 mai 2025 ;

- les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Rémi Bonnefont, avocat au barreau de Paris, pour le requérant, et M. Benoît Camguilhem, désigné par le Premier ministre, à l’audience publique du 1er juillet 2025 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L’article L. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction résultant de la loi du 26 juillet 1991 mentionnée ci-dessus, prévoit :« En aucun cas, la pension allouée au titre de la durée des services ne peut être inférieure à celle qu’aurait obtenue le titulaire s’il n’avait pas été promu à un emploi ou à un grade supérieur ou reclassé en vertu des dispositions de l’article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ». 

2. Le requérant reproche à ces dispositions d’exclure les fonctionnaires titulaires ayant été reclassés dans le cadre d’une réforme statutaire du bénéfice de la garantie qu’elles prévoient pour le calcul du montant de leur pension de retraite. Selon lui, elles institueraient ainsi une différence de traitement injustifiée entre ces fonctionnaires et ceux ayant fait l’objet d’une promotion ou d’un reclassement pour inaptitude physique. Il en résulterait une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

3. Le requérant soutient en outre que, compte tenu des conséquences financières négatives de ces dispositions sur la pension de retraite des fonctionnaires reclassés dans le cadre d’une réforme statutaire, ces dispositions méconnaîtraient le principe d’égalité devant les charges publiques.

4. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « reclassé en vertu des dispositions de l’article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État » figurant à l’article L. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

5. Selon l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

6. En vertu de l’article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le montant de la pension d’un fonctionnaire est calculé sur la base du traitement afférent à l’indice correspondant à l’emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus par cet agent depuis six mois au moins.

7. Par dérogation, l’article L. 20 du même code prévoit qu’un fonctionnaire titulaire ayant été promu à un emploi ou à un grade supérieur bénéficie d’une pension calculée sur la base du traitement afférent à l’indice de rémunération qu’il détenait avant son dernier emploi ou grade, lorsque cette solution est plus avantageuse pour lui. En application des dispositions contestées, cette garantie s’applique également au fonctionnaire ayant fait l’objet d’un reclassement pour inaptitude physique.

8. En revanche, il résulte des dispositions contestées, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante du Conseil d’État, que cette garantie ne s’applique pas aux fonctionnaires ayant fait l’objet d’un reclassement indiciaire dans le cadre d’une réforme statutaire. Elles instituent ainsi une différence de traitement, en matière de calcul de la pension de retraite, entre ces fonctionnaires et ceux ayant fait l’objet d’une promotion ou ayant été reclassés pour inaptitude.

9. Toutefois, d’une part, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 26 décembre 1964 mentionnée ci-dessus, à l’origine de ces dispositions, que le législateur a entendu éviter qu’un fonctionnaire renonce à une promotion impliquant un reclassement, lorsqu’un tel reclassement aurait entraîné la diminution du montant de sa pension de retraite.

10. D’autre part, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 26 juillet 1991 qu’en étendant cette garantie aux fonctionnaires ayant fait l’objet d’un reclassement pour inaptitude, le législateur a seulement entendu prendre en compte la situation particulière des fonctionnaires reclassés pour un tel motif.

11. Ainsi, le législateur a entendu instituer une garantie au bénéfice de fonctionnaires ayant fait l’objet d’un reclassement à titre individuel, à raison d’une décision affectant leur carrière prise en considération de leur situation personnelle.

12. Au regard de l’objet de ces dispositions, les fonctionnaires faisant l’objet d’un reclassement non pas à titre individuel, mais dans le cadre d’une réforme statutaire affectant l’ensemble des agents relevant d’un même corps ou cadre d’emplois, se distinguent de ceux ayant fait l’objet d’une promotion ou d’un reclassement pour inaptitude.

13. Dès lors, s’il serait loisible au législateur d’étendre la garantie prévue par les dispositions contestées à d’autres cas de reclassement, prévus le cas échéant dans le cadre d’une réforme statutaire, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi.

14. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.

15. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus, en tout état de cause, le principe d’égalité devant les charges publiques, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

 

Article 1er. - Les mots « reclassé en vertu des dispositions de l’article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État » figurant à l’article L. 20 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction résultant de la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, sont conformes à la Constitution.

 

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 10 juillet 2025, où siégeaient : M. Richard FERRAND, Président, M. Philippe BAS, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mme Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, François SÉNERS et Mme Laurence VICHNIEVSKY.

 

Rendu public le 11 juillet 2025.

 

ECLI:FR:CC:2025:2025.1146.QPC

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