CAA de MARSEILLE, 2ème chambre - formation à 3, 02/05/2019

CAA de MARSEILLE, 2ème chambre - formation à 3, 02/05/2019

18MA00788, Inédit au recueil Lebon

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pacifica et M. E... A...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Monteux et ses assureurs à les indemniser des préjudices subis par M. A...suite à un accident le 9 juin 2014 au lac de Beaulieu.

Par un jugement n° 1600231 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février et le 31 août 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'ordonner une expertise médicale ;

3°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la communauté de communes Les Sorgues du Comtat et à Eovi Mcd Mutuelle ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Monteux la somme de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.

Il soutient que :
- le maire de la commune de Monteux a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- l'absence d'une signalisation appropriée constitue un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ;
- il n'a commis aucune faute exonératoire de responsabilité ;
- une expertise médicale revêt un caractère utile ;
- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas déclaré le jugement attaqué commun à la communauté de communes Les Sorgues du Comtat ;
- la commune a supprimé un enregistrement vidéo de l'accident.

Par un mémoire, enregistré le 13 avril 2018, la communauté de communes Les Sorgues du Comtat, représentée par la SELARL Abeille et associés, demande à la cour :

1°) à titre principal, de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête présentée par M.A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- elle est étrangère au présent litige ;
- les conclusions de M. A...sont manifestement irrecevables ;
- les moyens soulevés par M. A...sont infondés.

Par deux mémoires en défense, enregistré le 17 avril et le 20 septembre 2018, la commune de Monteux, représentée par la SELARL Legitima, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par M.A... ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement SMACL Assurances et la société Paris Nord Assurances Service à la garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, dès lors que M. A...a été indemnisé par son assureur, la société Pacifica ;
- M. A...est dépourvu d'intérêt à faire appel ;
- la demande de M. A...était irrecevable en l'absence de décision préalable de nature à lier le contentieux ;
- la victime a commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
- les moyens soulevés par M. A...sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2018, SMACL Assurances, représentée par la SCP Lesage D...Gouard-Robert, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par M.A... ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2018, la SARL Paris Nord Assurance Service (PNAS), représentée par la SELARL Phelip et associés, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par M.A... ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter l'appel en garantie dirigé à son encontre par la commune de Monteux ;

3°) de mettre à la charge de la société Pacifica la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- elle n'est pas l'assureur de la commune ;
- le sinistre est antérieur au contrat d'assurance ;
- les moyens soulevés par M. A... sont infondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2018 par une ordonnance du même jour.

Un mémoire présenté par M. A...a été enregistré le 22 octobre 2018.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et à la société Pacifica, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant M. A..., de MeD..., représentant la SMACL, et de MeB..., représentant la communauté de communes Les Sorgues du Comtat.

Considérant ce qui suit :
1. La société Pacifica a saisi le tribunal administratif de Nîmes d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Monteux à lui verser la somme de 85 000 euros en réparation des préjudices subis par M.A..., son assuré, lors d'un accident survenu le 9 juin 2014 au lac de Beaulieu. M. A...a présenté des observations, après que la demande de la société Pacifica lui a été communiquée par le tribunal, tendant à ce que la commune de Monteux, la SMACL et la société PNAS soient déclarées responsables de l'accident et à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée.

2. Par le jugement attaqué du 22 décembre 2017, dont seul M. A...fait appel, le tribunal administratif a rejeté tant la demande de la société Pacifica que les conclusions de M. A....

Sur les appels en déclaration de jugement commun :

3. Le tribunal administratif a rejeté les conclusions de M. A...tendant à ce que le jugement attaqué soit déclaré commun à la communauté de communes Les Sorgues du Comtat par des motifs appropriés figurant au point 2, qu'il y a lieu d'adopter.

4. L'instance devant la cour n'est pas davantage susceptible de porter préjudice aux droits de la communauté de communes, de sorte que les conclusions de M. A...tendant à ce que le présent arrêt lui soit déclaré commun doivent être rejetées pour les mêmes raisons. Il en va de même des conclusions relatives à Eovi Mcd Mutuelle, en l'absence de toute précision sur le rôle de cette personne morale.

Sur le fond :

5. D'une part, l'article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s'exerce en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux. / Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours. / Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance. Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés. / Le maire est tenu d'informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques sont réglementées. "
6. D'autre part, il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

7. Il résulte de l'instruction que le lac de Beaulieu comporte une plage aménagée par la commune de Monteux devenue une zone de baignade surveillée, et, un peu plus loin, une esplanade en béton descendant en pente douce, interdite à la baignade comme le reste du lac. La plage aménagée comporte plusieurs panneaux d'information sur le lac et les activités possibles. L'arrêté municipal du 6 décembre 2013 réglementant la baignade y était affiché. Les alentours du lac comportaient également plusieurs panneaux relatifs à l'interdiction de baignade. Si la présence de tels panneaux sur le lieu même de l'accident et sur le trajet que le groupe formé par M. A...et ses amis aurait suivi depuis le parking n'est pas avérée, il ressort des témoignages des quatre agents de surveillance présents, corroborés par ceux de quatre autres personnes également sur les lieux au moment des faits, qu'une fois arrivés à l'esplanade, M. A... et ses amis se sont vu rappeler à plusieurs reprises l'interdiction de se baigner. Alors que l'agent de surveillance venant d'effectuer ce rappel s'éloignait, M. A... a descendu les marches en courant pour se jeter dans l'eau et, compte tenu de la faible profondeur de celle-ci, s'est grièvement blessé. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, cet accident est ainsi exclusivement imputable à l'imprudence caractérisée de M. A.... Contrairement à ce que soutient ce dernier, la circonstance que les agents de surveillance ne se soient pas physiquement interposés pour l'empêcher de se baigner ne constitue pas une faute de la part de la commune et n'atténue pas la gravité de sa propre faute. Dans ces conditions, le fait que la commune n'ait pas conservé les enregistrements de vidéosurveillance réalisés le jour de l'accident est sans incidence sur l'issue du litige, aucun élément ne permettant de suspecter, alors que la commune a ainsi entendu respecter le délai de conservation de tels enregistrements, qu'elle ait eu pour intention de dissimuler des éléments de preuve sur les circonstances de l'accident. La responsabilité de la commune de Monteux n'est en conséquence pas engagée ni sur le fondement d'une carence fautive dans le respect des obligations qui sont le siennes en application de l'article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales, ni sur le fondement d'un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 1 000 euros chacune à la commune de Monteux, à SMACL Assurances et à la communauté de communes Les Sorgues du Comtat, qui, défendant à l'appel formé par M. A...en tant que le jugement attaqué ne lui a pas été déclaré commun, a dans cette mesure la qualité de partie dans la présente instance.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. A...sur le même fondement. Il en va de même des conclusions de la société PNAS contre la société Pacifica, qui n'est pas partie à l'instance d'appel.

D É C I D E :

Article 1er : La communauté de communes Les Sorgues du Comtat et Eovi Mcd Mutuelle sont mises hors de cause.
Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : M. A... versera à la commune de Monteux, à SMACL Assurances et à la communauté de communes Les Sorgues du Comtat la somme de 1 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société PNAS présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à la commune de Monteux, à SMACL Assurances, à la SARL Paris Nord Assurance Service, à la communauté de communes les Sorgues du Comtat, à Eovi Mcd Mutuelle, à la société Pacifica et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse.

Copie en sera adressée pour information à l'expert judiciaire.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la cour,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 mai 2019.
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N° 18MA00788

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